Éclairages : une étude sur les discriminations envers les bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire (CSS) et de l’Aide médicale de l’État (AME)

Domaine de compétence de l'institution : Lutte contre les discriminations et promotion de l'égalité I

Mots clés : Éclairages, Refus de soins, étude

Le 12 mai, le Défenseur des droits publie une étude menée auprès de trois spécialités médicales visant à mesurer les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CSS et de l’AME.

L’étude, appelée « Les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire et de l’Aide médicale de l’État », est publiée dans le prolongement des travaux menés en 2019 pour mesurer les refus de soins discriminatoires liés à la vulnérabilité économique.

Réalisée à la demande du Défenseur des droits et du ministère de la Santé par une équipe de recherche de l’Institut des politiques publiques (IPP), s’appuie sur un testing téléphonique réalisé entre mars et septembre 2022 auprès de plus de 3 000 praticiens (1 088 généralistes, 1 008 ophtalmologues et 990 pédiatres) et documente les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire (CSS) et de l’Aide médicale de l’État (AME).

  • La complémentaire santé solidaire (CSS) vise à faciliter l'accès à une assurance complémentaire santé pour les personnes qui résident en France de façon stable et régulière, qui sont affiliées à la sécurité sociale française, et disposent de faibles ressources.
  • L’Aide médicale de l’État (AME) permet aux étrangers en situation irrégulière d'avoir accès à certains soins, sous certaines conditions : bénéficier de ressources inférieures à un plafond et résider en situation irrégulière en France depuis au moins trois mois.

Des discriminations constatées envers les bénéficiaires de l’AME

Dans un contexte marqué par de fortes difficultés d’accès aux soins pour tous - une demande de rendez-vous sur deux a échoué - les résultats de l’étude mettent en évidence des discriminations envers les patients bénéficiaires de l’AME en particulier, qui ont une probabilité d'obtenir un rendez-vous inférieure de 10 à 12 points de pourcentage par rapport aux patients de référence (Les patients dits de « référence » sont les patients ne déclarant le bénéfice d'aucune aide). Ces discriminations sont relevées dans les trois spécialités médicales considérées, quels que soient le genre et le secteur d’exercice des praticiens. Si les patients bénéficiaires de la CSS obtiennent un rendez-vous médical dans les mêmes proportions que les patients de référence, ils font néanmoins, pour certains, face à des refus discriminatoires explicites (1 à 1,5 % des cas). Cette discrimination de faible ampleur contraste avec les résultats d’études précédentes sur les bénéficiaires de de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l’aide à la complémentaire de santé (ACS), prestations remplacées par la CSS en 2019.

La réticence à l’égard de la prise en charge des bénéficiaires de l’AME est susceptible de s’expliquer à la fois par des préjugés selon lesquels la prise en charge de ces patients serait plus complexe (patients en moins bonne santé, ne maîtrisant pas ou peu le français, consultation plus longue…) et par l’anticipation de démarches administratives plus lourdes pour les professionnels de santé (et les caisses d’assurance maladie) dans la mesure où ces patients ne bénéficient pas de la carte Vitale.

Un besoin de simplification du cadre législatif

Face à ces résultats, le Défenseur des droits renouvelle sa recommandation de fusion des dispositifs Assurance maladie/AME ou, a minima, la création pour les bénéficiaires de l’AME d’une carte numérique ouvrant l’accès aux mêmes facilités que pour les personnes affiliées à l’Assurance maladie. À l’instar de la simplification du cadre législatif des statuts de la CMU-C et de l’ACS, que le Défenseur avait par ailleurs appelée de ses vœux dans la décision-cadre 2018-269 du 22 novembre 2018, la fusion de ces dispositifs présenterait des avantages, non seulement pour les professionnels de santé – simplification des démarches et réduction des délais de remboursement – mais également pour les Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), en réduisant leurs coûts administratifs liés à la gestion de deux dispositifs parallèles.

Le Défenseur des droits rappelle également qu’un refus de soins discriminatoire à l’encontre d’un bénéficiaire d’une aide ciblée est un délit et un acte contraire à la déontologie et à l’éthique médicale, et recommande aux professionnels de mettre leurs pratiques en conformité avec la loi.