
Des défaillances persistantes dans l’accueil des personnes en commissariat et gendarmerie
04 mars 2025
Le Défenseur des droits, autorité indépendante chargée d’assurer le respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité, publie ce jour les résultats d’une étude inédite sur l’accueil du public au sein des commissariats de police et des brigades de gendarmerie. Menée pendant plus de deux ans par un groupe de chercheurs en sociologie et science politique, cette enquête met en lumière une professionnalisation de l’accueil du public qui demeure insuffisante, au détriment en particulier des personnes les plus vulnérables.
L’accueil du public : une mission sensible
L’accueil des usagers, qu’ils soient victimes, témoins ou en demande de renseignements, constitue un enjeu central du service public de la police et de la gendarmerie, tant du point de vue de l’accès matériel aux services concernés et de l’accès aux droits, que de la qualité de l’écoute et de l’orientation par les professionnels. Il est le premier contact avec les forces de l’ordre, lequel conditionne la confiance envers l’institution. Selon l’enquête par questionnaire menée par les chercheurs, en 2023, environ 75% des répondants déclaraient s’être rendus au moins une fois dans un commissariat de police au cours de leur vie, et 64% dans une brigade de gendarmerie.
Pourtant, le Défenseur des droits est régulièrement saisi de défaillances diverses dans l’accueil du public au sein des commissariats et des brigades de gendarmerie : propos déplacés, absence d’interprète, inaccessibilité des locaux aux personnes en situation de handicap, refus de dépôt de plaintes... En se centrant à la fois sur l’expérience du public et celle des forces de l’ordre, l’étude met en exergue le décalage entre, d’une part, les attentes vastes d’un public extrêmement varié, qui portent parfois sur des aspects purement relationnels (la qualité du contact, l’écoute, la compréhension et la capacité à rassurer …) et, d’autre part, les réponses des policiers et gendarmes, qui tendent à dévaloriser l’accueil pour concentrer leurs efforts sur l’intervention et la réponse judiciaire.
Une professionnalisation de l’accueil qui se heurte à plusieurs limites
Si la qualité de l’accueil au sein des services de police et de gendarmerie a fait l’objet d’une professionnalisation depuis les années 2000, qui se traduit par l’adoption de chartes d’accueil, la mise en place de « référents » et de brigades et de commissariats spécialisés, ou encore le soutien d’intervenants sociaux et de psychologues, cette démarche reste toutefois hétérogène selon les territoires, les services et les publics concernés.
Les services de police et de gendarmerie doivent en effet composer avec des ressources matérielles et humaines limitées et inégales, une charge de travail importante qui pèse sur les effectifs, des locaux inadaptés et une dévalorisation de la mission d’accueil dans les formations et par les agents eux-mêmes.
L’étude pointe par ailleurs que certains publics (victimes de violences sexistes et sexuelles, étrangers en situation irrégulière, jeunes issus des quartiers populaires, populations roms…) rencontrent d’importantes difficultés pour accéder à un accueil de qualité. S’ils renoncent parfois à faire appel à la police et la gendarmerie, estimant que ces services publics ne peuvent agir « pour eux » mais « contre eux », ils relatent des expériences qui mettent en évidence une forme d’incapacité à les regarder comme des victimes potentielles.
Enfin, les obstacles persistants quant à l’accueil des victimes s’observent tout particulièrement dans l’accueil et la prise en charge des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles. Bien que cette thématique soit une priorité gouvernementale et ait fait l’objet d’une attention hiérarchique et de progrès notables, les ressources et les moyens alloués pour une prise en charge adaptée restent limités. De plus, la persistance de stéréotypes sexistes et la priorité donnée à l’intervention et la judiciarisation des réponses ont pour effet de maintenir un désajustement entre les besoins des victimes et les réponses apportées par les forces de l’ordre, pouvant parfois aboutir à une victimisation secondaire et provoquer des humiliations supplémentaires pour les victimes.
Garantir l’équité et la qualité de l’accueil : plusieurs changements nécessaires
Cette étude révèle à quel point la mission d’accueil du public en commissariat et en gendarmerie est aussi difficile à mener qu’elle est décisive sur la qualité du lien entre la police/ gendarmerie et la population. Si des progrès significatifs ont été réalisés, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour garantir un accès équitable et de qualité au service public policier, notamment :
- Le renforcement de la formation initiale et continue des agents à l’accueil et à la prise en charge des publics, notamment les plus vulnérables, et la valorisation de cette mission d’accueil par l’institution ;
- La mise en place des moyens matériels et humains nécessaires à la garantie d’un accès effectif et sans discrimination au service public de la police ;
- Le développement de dispositifs d'évaluation et de suivi pour garantir une qualité d'accueil homogène sur l'ensemble du territoire.