Emmanuelle, n'a pas pu être hôtesse car elle est trop petite

15 octobre 2019

  • Discrimination
  • Emploi

Après avoir passé un entretien par vidéo conférence, Emmanuelle est embauchée par une agence recrutant des hôtes et des hôtesses pour des événements professionnels, commerciaux et sportifs. Durant cet entretien, l’employeur lui a demandé sa taille.  Emmanuelle a ensuite reçu par courriel des offres d’emploi pour des missions. Lorsqu’une mission l’intéressait, elle devait adresser des photographies d’elle en portrait et de plain-pied.

Rapidement, Emmanuelle a constaté que l’agence ne lui proposait que des missions commerciales dites de « street maketing » (distribution de tracts, gadgets publicitaires). Elle n’a jamais reçu de missions événementielles, dites « missions prestige » (accueil de congressistes ou de clients, tenue de vestiaires, port de micro). Or, elle s’est aperçue que ces offres étaient adressées à une de ses amies, Elisa, et que lorsqu’elle décidait d’y postuler d’elle-même, elle ne recevait aucune réponse. 

Emmanuelle a pensé que les « missions prestige » ne lui étaient pas proposées et que sa candidature n’était pas retenue en raison de sa taille d’1,60m, étant donné qu’Elisa mesure 1,73m. Elle a donc demandé des explications à l’agence. Une stagiaire chargée du recrutement lui a d’abord assuré qu’aucune sélection n’était effectuée puis, plus tard, une salariée lui a confirmé qu’elle ne pouvait prétendre à ces missions en raison de sa taille.

Emmanuelle a donc saisi le Défenseur des droits. Deux de ses agentes assermentées ont décidé d’organiser un testing, c’est-à-dire qu’elles ont présenté des candidatures de femmes grandes et de femmes plus petites pour observer sur quels critères se fondait la sélection de l’agence. Le testing a révélé une différence de traitement entre les candidates selon leur taille.

Le Défenseur des droits a donc adressé à l’agence une note récapitulative dans laquelle il exposait les raisons pour lesquelles il pourrait conclure à l’existence d’une discrimination. L’agence étant ensuite invitée à faire part de ses observations avant que le Défenseur des droits ne statue.

Dans sa réponse, l’agence a contesté les accusations de discrimination à son encontre et a notamment fait valoir que « le métier d’hôte ou d’hôtesse pourrait être assimilé à du mannequinat ». Or, le code du travail indique que l’activité de mannequin consiste exclusivement, soit à poser, soit à présenter un produit ou un message publicitaire. Dans ce cas précis, la grande majorité des offres correspond plutôt à des métiers de services (accueil, orientation …) pour lesquels les caractéristiques physiques non modifiables, comme c’est le cas de la taille, ne peuvent pas être retenues comme des critères d'embauche. 

Dans sa décision, le Défenseur des droits a donc rappelé à l’agence qu’elle ne pouvait pas exiger des candidates qu’elles fournissent une photographie en réponse à des offres d’emplois, ni écarter un CV parce qu’il ne comporterait pas de photographie.

Enfin, le Défenseur des droits a constaté que l’agence n’avait pas réussi à justifier que le critère de la taille répondait à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Il en a donc conclu qu’Emmanuelle avait été discriminée sur son apparence physique et a recommandé à l’agence de modifier ses pratiques de recrutement afin de garantir le respect du principe de non-discrimination et de se rapprocher d’Emmanuelle en vue de réparer son préjudice. L’agence est tenue de rendre compte des suites données à ces recommandations dans un délai de trois mois.