Handicap : 20 ans après la Loi de 2005, et maintenant ?

10 février 2025

Sommaire

La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005 avait comme objectif d'ouvrir une nouvelle approche des politiques publiques relatives au handicap.
L’ambition annoncée était de dépasser l’approche strictement médicale et de faciliter le maintien et l’intégration des personnes handicapées en milieu ordinaire pour une meilleure participation à la vie en société.
20 ans plus tard, de nombreux obstacles se dressent encore pour que les personnes en handicapées aient toute leur place dans la société.

La loi de 2005 reposait sur deux principes : 

  • Garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie en favorisant leur autonomie
  • Permettre une meilleure participation à la vie sociale par trois leviers :
    • Assurer une véritable intégration scolaire
    • Faciliter l'insertion professionnelle
    • Rendre le cadre de vie plus accessible

Pour favoriser l'autonomie des personnes handicapées, la loi instaure un droit à compensation pour la personne handicapée afin de "faire face aux conséquences de son handicap dans sa vie quotidienne", crée la prestation de compensation du handicap (PCH) et institue un « guichet unique », les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), chargée de prononcer sur l'orientation de la personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion scolaire ou professionnelle et sociale.

L’intégration scolaire : Tout enfant porteur de handicap a le droit d’être inscrit en milieu scolaire ordinaire dans l’école dont relève son domicile.

L’insertion professionnelle : La loi priorise l’emploi en milieu ordinaire en mettant en place des dispositifs d'incitation à l'embauche directe. Et instaure l’obligation pour tous les employeurs, privés et publics, de mettre en place des aménagements raisonnables.

L’accessibilité : La loi prévoit l’obligation de mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP) existants et des transports publics dans un délai de 10 ans, soit au plus tard en 2015 et l’accessibilité de 100% des logements neufs. Elle introduit également une obligation d’accessibilité des services de communication au public en ligne des « organismes du secteur public ».

Un bilan en demi-teinte

Pour le Défenseur des droits, le bilan de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est contrasté.

Si indéniablement de nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années, d’importantes lacunes subsistent et dans de nombreux domaines, des écarts importants demeurent entre les ambitions affichées par la loi, les objectifs poursuivis et l’effectivité de leur mise en œuvre.

Il existe aujourd’hui de nombreux freins à l’autonomie et à l’inclusion des personnes handicapées liés, d’une part, à l’absence d’accessibilité universelle et, d’autre part, à des réponses en matière de compensation insuffisantes ou inadaptées, de nature à les empêcher de participer de manière effective à la société sur la base de l’égalité avec les autres. Cette situation est souvent lourde de conséquences pour les familles.

Malgré l'ambition annoncée, l’approche du handicap demeure essentiellement médicale et la loi de 2005 n'a pas tenu toutes ses promesses.

Une accessibilité partielle

L’accessibilité est une condition préalable essentielle à la jouissance effective des droits fondamentaux par les personnes handicapées et à leur participation à la vie sociale dans des conditions d’égalité. Or, le Défenseur des droits déplore le retard important de la France en la matière voire une remise en cause de certaines avancées de la loi de 2005.

À ce jour, l’accessibilité est encore loin d’être effective dans la plupart des domaines (cadre bâti, transports, numérique). Non seulement les objectifs et les échéances fixés par les lois successives (1975 et 2005) ne sont toujours pas respectés. Plus encore, la France n’a pas intégré le principe de d’accessibilité universelle et continue aujourd’hui de produire nativement des biens et services non accessibles aux personnes handicapées qui limitent d’autant leur autonomie (par exemple : problème d’accessibilité aux personnes malvoyantes et aveugles des nouveaux terminaux de paiement).

Accessibilité des établissements recevant du public (ERP)

La loi du 11 février 2005 avait prévu que, sauf dérogation exceptionnelle, l’ensemble des ERP existants devaient être rendus accessibles au plus tard en 2015. Mais constatant l’impossibilité de tenir cette échéance, le gouvernement a décidé, en 2015, d’accorder un délai supplémentaire aux exploitants d’ERP, sous condition de s’engager dans un agenda d’accessibilité programmée (Ad’AP).

L’année 2024 a marqué la fin de la mise en œuvre des Ad’AP pour l’ensemble des ERP. Mais l’accessibilité des ERP n’est pas encore effective partout.

Le Défenseur des droits recommande de rendre effectifs les contrôles et les sanctions en cas de non-respect des exigences en matière d’accessibilité comme s’y est engagé le Président de la République lors de la dernière Conférence nationale du handicap (CNH) en avril 2023.

L’institution rappelle que l’impossibilité avérée de rendre une structure accessible ne justifie pas pour autant de refuser à une personne handicapée l’accès à un bien ou à un service, dès lors que des aménagements raisonnables peuvent être mis en place. Le refus de mettre en place de tels aménagements peut constituer une discrimination. Ces principes, largement méconnus, devraient être rappelés aux exploitants des ERP.

Accessibilité des transports

La loi de 2005 avait institué une obligation de mise en accessibilité des transports collectifs dans un délai de 10 ans – délai prolongé en 2015 (de 3 à 9 ans selon le type de transport). Si l’accessibilité des transports a progressé, elle est loin d’être effective sur l’ensemble des réseaux existants.

De plus, depuis 2015, l’obligation d’accessibilité des infrastructures de transport est remplie par l’aménagement des seuls points d’arrêt considérés comme « prioritaires », les autres n’étant plus tenus d’être rendus accessibles. C’est un véritable recul par rapport aux objectifs à la loi de 2005 qui prévoyaient la mise en accessibilité de l’ensemble des gares.

Dans sa décision du 17 avril 2023, le Comité européen des droits sociaux considère que cette situation constitue une violation de l’article 15§3 de la Charte sociale européenne.

La Défenseure des droits recommande d’inscrire dans la loi une programmation de la mise en accessibilité de l’ensemble des points d’arrêt du réseau de transport de manière à garantir, à terme, l’accessibilité de la totalité de la chaîne de déplacement.

Accessibilité de la voirie

En contradiction avec le principe d’accessibilité de la chaîne de déplacement, les prescriptions en matière d’accessibilité de la voirie ne s’appliquent que dans le cas de réalisation de voies nouvelles, d’aménagements ou de réalisation de travaux.

Seules les communes de plus de 1 000 habitants sont tenues d’élaborer un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE). Or, 54 % des communes de France métropolitaine comptent moins de 500 habitants. 

La Défenseure des droits recommande d’inscrire dans la loi l’obligation pour les autorités compétentes de prévoir une programmation de la mise en accessibilité de la voirie.

Accessibilité des bâtiments d’habitation et des logements 

L’autonomie des personnes handicapées et la possibilité pour elles de vivre à domicile se heurtent :

  • Aux refus récurrents des copropriétaires de réaliser les travaux nécessaires à la mise en accessibilité des bâtiments d’habitation, même lorsqu’ils ouvrent droit à un financement ;
  • A l’insuffisance de l’offre de logements accessibles aggravée par la remise en cause, par la loi « ELAN » (loi du 23 novembre 2018) de la règle du « tout accessible » (prévue par la loi de 2005), avec l’introduction d’un quota de 20% de logements accessibles dès la conception, les autres logements devant simplement répondre à une condition d’évolutivité.

Accessibilité des lieux de travail

Faute de décret d’application, l’obligation d’accessibilité des lieux de travail inscrite dans la loi du 11 février 2005 n’est toujours pas effective. 

La Défenseure des droits recommande de prendre sans plus tarder les textes règlementaires d’application de la loi de 2005 en matière d’accessibilité des lieux de travail.

Accessibilité numérique

La dématérialisation des services publics constitue un levier d’accès aux droits pour les personnes handicapées. Mais elle peut également être un obstacle majeur à l’accès aux droits dès lors que l’accessibilité n’est pas pleinement assurée.

L’article 47 de la loi du 11 février 2005 a introduit une obligation d’accessibilité des services de communication au public en ligne des « organismes du secteur public ». Mais celle-ci n’est toujours pas effective.

A ce jour, très peu de sites ont réussi à franchir l’objectif des 50% d’accessibilité, considéré comme étant le niveau minimum pour utiliser ces services. Seuls 5% environ seraient, selon l’ARCOM, aux normes de 100% d’accessibilité.

Dans son rapport Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics publié en 2019, l’institution regrettait que le dispositif essentiellement fondé sur l’auto-évaluation soit peu contraignant, tant en termes d’obligations que de réalisation et de sanctions.

Aussi, la Défenseure des droits salue les nouvelles obligations prévues par l’ordonnance n°2023-859 du 6 septembre 2023 qui répondent à ses recommandations :

  • Désormais, le manquement aux exigences d’accessibilité est également passible de sanctions, dont le montant maximal est fixé à 50 000 euros. De plus, si un manquement sanctionné persiste plus de six mois après le prononcé de la sanction initiale, une nouvelle sanction peut être infligée (au lieu d'un an auparavant). Auparavant, seuls les manquements à l'une des obligations complémentaires (déclaration d'accessibilité, schéma pluriannuel de mise en accessibilité, mention du niveau d'accessibilité sur la page d'accueil, etc.) donnaient lieu à sanction (25 000 euros maximum).
  • La désignation de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) comme autorité compétente pour identifier et constater les manquements et émettre, le cas échéant, des sanctions. 

Le Défenseur des droits rappelle, en tout état de cause, la nécessité de maintenir et développer des accueils physiques en veillant à garantir l’accessibilité à tous les handicaps.

Des aides à l'autonomie insuffisantes et inégales

La loi du 11 février 2005 a institué, pour toute personne handicapée, un droit à compensation des conséquences de son handicap, quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie.

20 ans plus tard, les limites sont criantes.

Une barrière de l’âge

L’article 13 de la loi du 11 février 2005 avait prévu, dans un délai de 5 ans, soit au plus tard en 2010, de fusionner les différents régimes de compensation existants afin d'apporter une réponse identique aux personnes handicapées, quels que soient leur âge.

Or, il existe toujours aujourd’hui, à situation de handicap comparable, une différence de traitement en matière de compensation du handicap entre les personnes selon l’âge auquel survient le handicap, avant ou après 60 ans. Les droits accordés aux personnes dont le handicap survient après 60 ans étant globalement moins favorables.

La création de la cinquième branche de sécurité sociale dédiée au soutien à l’autonomie constitue une avancée réelle dans le sens d’un décloisonnement des politiques publiques du handicap et de la perte d’autonomie liée au grand âge. Mais elle souffre aujourd’hui d’un manque d’ambition et de moyens suffisants pour répondre aux besoins des publics concernés.

Les limites de la prestation de compensation du handicap (PCH)

La prestation de compensation du handicap (PCH) est accordée aux personnes dont le handicap survient avant 60 ans.

Elle peut être affactée à la compensation des charges :

  • liées à un besoin d'aide humaine apportée par les aidants familiaux, un salarié à domicile, un service prestataire ou mandataire ou celle que nécessite la personne handicapée dans le cadre de l'exercice de la parentalité ;
  • liées à l’achat ou la location d’une aide technique, notamment les frais laissés à la charge de l'assuré lorsque ces aides techniques sont remboursées par l'assurance maladie ;
  • liées à l'aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, ainsi qu'à d'éventuels surcoûts résultant de son transport ;
    spécifiques ou exceptionnelles, comme celles relatives à l'acquisition et à l'entretien de produits liés au handicap ;
  • liées à l'attribution et à l'entretien des aides animalières.

Ces aides présentent de nombreuses limites et ne permettent pas de répondre aux besoins réels :

  • L'aide humaine ne couvre que les seuls « besoins essentiels de l’existence » (manger, faire sa toilette, s’habiller, …) au mépris des autres besoins nécessaires à la vie sociale.
    En 2022, la règlementation a évolué avec pour ambition d’améliorer l'accès à la PCH aide humaine pour les personnes avec un handicap psychique et mental. Mais, selon les associations, ces nouvelles dispositions ne seraient pas appliquées par les MDPH, ce qui a pour effet de compromettre leur maintien à domicile.
  • Les tarifs de l'aide technique sont insuffisants pour couvrir les coûts d’acquisition des matériels, laissant reste à charge trop important pour les bénéficiaires.
  • La « PCH parentalité », instituée en janvier 2021 a soulevé de nombreuses réserves en raison des limites qu’elle présente dans ses conditions d’éligibilité. Réservée aux seuls bénéficiaires de l'aide humaine, elle exclut de fait de nombreux parents handicapés aujourd’hui non éligibles à cette prestation. De plus, elle repose sur une logique de forfait qui ne tient pas compte de la réalité du handicap des parents, et donc de leurs besoins réels. 

Une application inégale

Le Défenseur des droits constate des inégalités dans l’accès aux droits entre les personnes handicapées : 

  • Selon les territoires et les instances concernées, à situation comparable, l’évaluation du handicap et les prestations accordées par les MDPH peuvent être différents ;
  • L'accès aux droits est trop souvent guidé par des logiques financières ;
  • Les personnes handicapées en situation de grande dépendance, justifiant une prise en charge le plus souvent 24h sur 24, se heurtent à l’impossibilité de bénéficier de l’intégralité des heures du plan d’aide reconnu par la MDPH faute de trouver des intervenants à domicile, en raison de la complexité de leur accompagnement. 

Le Défenseur des droits salue les efforts transformation de l’offre médico-sociale dans le sens de l’individualisation des réponses et dans une approche inclusive. Mais il considère qu’une vigilance s’impose pour que cette nécessaire évolution ne se fasse pas au détriment des plus vulnérables et que des moyens suffisants et des réponses adaptées soient prévus pour répondre aux besoins de toutes les personnes quel que soit leur handicap.

Des obstacles persistants à la scolarisation des enfants handicapés

Depuis 2005, une véritable impulsion a été donnée à la scolarisation des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire. Mais ce bilan ne suffit pas à effacer les difficultés persistantes rencontrées par les élèves en situation de handicap pour accomplir leur scolarité, comme en témoignent les réclamations et remontées reçues par notre institution.

En 2023, sur les 1407 réclamations adressées au Défenseur des droits en matière de discrimination, 19 % concernaient l’éducation et la formation ; 15% des 3910 saisines relatives aux droits de l’enfant concernaient le handicap, la très grande majorité étant liées à la scolarité des enfants en situation de handicap.

Statistiques en matière de scolarisation 

Le Défenseur des droits constate encore des carences inacceptables dans les statistiques officielles sur la scolarisation des élèves handicapés, en particulier sur le nombre d’heures d’éducation des enfants en situation de handicap : combien d’heures pour ceux qui sont scolarisés, combien le sont dans des établissements spécialisés et combien ne sont pas scolarisés ?

Dans son rapport sur l’inclusion scolaire publié en septembre 2024, la Cour des comptes partage également ce constat et relève le manque global de données pour évaluer sur une base documentée la politique de scolarisation des élèves en situation de handicap et l’impact de tel ou tel dispositif sur la réussite scolaire et éducative des élèves.

L’inclusion scolaire

Dans son rapport d’août 2022 sur L’accompagnement humain des élèves en situation de handicap, le Défenseur des droits dressait un constat toujours valable aujourd’hui : le système scolaire en matière d’inclusion des élèves en situation de handicap est défaillant.

Cette difficulté s’est accrue avec l’augmentation du nombre d’enfants handicapés scolarisés à l’école ordinaire avec pour conséquence le recours prépondérant aux accompagnants humains. Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sont ainsi devenu le deuxième métier de l’éducation nationale au détriment des dispositifs d’accessibilité qui restent insuffisamment aboutis. Et bien que de nouveaux postes d’AESH soient créés chaque année, les difficultés perdurent : beaucoup d’enfants dont le handicap justifie qu’ils soient accompagnés se retrouvent sans AESH ou ont accès à un accompagnement inadapté (AESH mutualisé pour un besoin reconnu d’un AESH individuel).

Le Défenseur des droits identifie de nombreux freins à l’inclusion scolaire dans la manière dont l’école est pensée, notamment : 

  • L’inadaptation des locaux, du matériel, des supports pédagogiques, la manière dont l’enseignant transmet son savoir, l’importance des effectifs par classe ;
  • Les difficultés récurrentes rencontrées dans l’aménagement des examens et des contrôles continus ;
  • La rigidité des programmes et des objectifs scolaires, qui réduisent la réussite aux performances scolaires et laissent peu de place à la singularité de chacun ;
  • L’absence d’outils spécifiques dans les programmes de lutte contre le harcèlement scolaire concernant les enfants en situation de handicap, qui constituent pourtant un public particulièrement vulnérable et davantage sujet au harcèlement entre enfants ; 
  • L’absence de réponse adaptée de l’institution scolaire aux enfants qui manifestent des troubles du comportement, comme les enfants ayant des troubles de l’attention avec hyperactivité (TDAH) ;
  • Une coopération insuffisante entre les différents acteurs de la scolarisation des enfants en situation de handicap ;
  • La très insuffisante prise en compte de la parole de l’enfant.

Le Défenseur des droits recommande d’agir sur ces différents freins pour rendre l’école inclusive. Construire un environnement accessible constitue un préalable à la scolarisation des enfants handicapés : c’est à l’école de s’adapter et non l’inverse. C’est donc un véritable changement de paradigme qui doit s’opérer.

L’accès aux activités périscolaires

Le temps périscolaire s’inscrit dans la continuité du temps scolaire et fait partie intégrante du droit à l’éducation. Ne pas permettre à l’enfant en situation de handicap d’être accueilli sur les temps périscolaires constitue une atteinte à son droit fondamental à l’éducation et à la scolarisation. 
Les conséquences pour l’enfant et sa famille sont très problématiques : l’absence de continuité dans l’accompagnement de l’élève en situation de handicap sur les temps périscolaires, lorsqu’il est nécessaire, peut entraîner des ruptures de scolarité. Sans parler des conséquences que ces ruptures de prise en charge ont pour les familles, le plus souvent les mères, qui se trouvent bien souvent dans l’obligation de renoncer à l’exercice d’une activité professionnelle pour pouvoir s’occuper de leur enfant.

La loi du 27 mai 2024 qui prévoit désormais la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne constitue une avancée indéniable.

Dans son avis 24-03 relatif à la proposition de loi relative à la prise en charge des AESH sur le temps méridien, la Défenseure des droits avait néanmoins souligné la nécessité de faire évoluer le texte sur deux points : 

  • la prise en charge par l’État des frais d’accompagnement des élèves en situation de handicap sur tous les temps périscolaires (et pas seulement sur les temps de cantine) ;
  • la définition d’un cadre juridique clair quant aux compétences des MDPH en matière d’évaluation des besoins d’accompagnement sur les temps périscolaires.

A défaut, il était à craindre que des difficultés apparaissent dans la mise en œuvre de ce dispositif du fait :

  • de la différence de traitement dans le régime de prise en charge des frais d’accompagnement selon le temps d’activité périscolaire concerné ;
  • de l’absence d’évaluation objective des besoins d’accompagnement des enfants sur les temps périscolaires, source de blocage en cas de désaccord entre la collectivité gestionnaire et l’Etat sur la nécessité d’un tel accompagnement.

Le texte a été définitivement adopté sans que ces modifications n’aient été apportées. Dans les faits les inquiétudes de l'institution se confirment et l’application de la loi semble loin d’être effective.

Une insertion professionnelle semée d'embuches

Au vu des réclamations adressées au Défenseur des droits, l’emploi est le premier domaine dans lequel s’exercent les discriminations fondées sur le handicap.

En 2023, sur les 1407 réclamations adressées au Défenseur des droits, 37 % concernent l’emploi (16 % l’emploi privé ; 21% l’emploi public). Parmi ces réclamations, et c’est une constante, 20% en moyenne concernent l’accès à l’emploi et 80 % concernent l’évolution de carrière et le maintien dans l’emploi.

Selon le baromètre annuel de la perception des discriminations dans l’emploi réalisé par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du Travail (OIT) :

Plusieurs facteurs contribuent à alimenter ces discriminations, et en particulier, la représentation stéréotypée, le plus souvent négative, du handicap qui se traduit notamment par des préjugés sur le niveau de compétences des personnes en situation de handicap, leur capacité et leur aptitude à exercer un emploi.

La question de l’emploi des personnes handicapées est essentiellement abordée sous l’angle de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH). Mais au travers des saisines adressées au Défenseur des droits un constat s’impose : l’obligation d’emploi et l’atteinte de l’objectif de 6% ne suffit pas à garantir l’égalité de traitement et la non-discrimination des personnes handicapées en matière d’emploi.

Parmi les difficultés rencontrées par les personnes handicapées qui saisissent le Défenseur des droits, les situations suivantes sont récurrentes :

  • Aménagement tardif du poste de travail en période d’essai mettant la personne en situation de handicap dans l’impossibilité de montrer ses compétences ;
  • Affectation sur un emploi non adapté, sans tenir compte des contraintes de la personne handicapée (éloignement de son domicile, de l’accès aux soins nécessités par son handicap, etc.) ;
  • A l’inverse, refus d’affectation sur un poste alors que la personne handicapée a les compétences requises, au motif que les locaux ne sont pas accessibles (sans même rechercher si des aménagements sont possibles) ;
  • Non-respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail avec pour conséquences, l’aggravation de l’état de santé ou du handicap, puis l’inaptitude du salarié et enfin le licenciement du salarié reconnu inapte sans rechercher si des aménagements sont possibles pour le reclasser ;
  • Harcèlement discriminatoire en cas de survenance d’un handicap en cours d’emploi ou d’une aggravation d’un handicap préexistant suite à un problème de santé.

Dans la plupart de ces situations, le Défenseur des droits constate un manquement de l’employeur à son obligation d’aménagement raisonnable.

Quelles solutions pour aller plus loin ?

Pour une application pleine et entière de la CIDPH

Les nombreux freins qui persistent à l’autonomie et à l’inclusion des personnes handicapées pourraient en partie être levés par une meilleure application de la CIDPH.

La France a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH). Elle est entrée en vigueur le 20 mars 2010. En ratifiant la Convention, l’État s’est engagé à « garantir et à promouvoir le plein exercice de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées sans discrimination d’aucune sorte fondée sur le handicap » et à prendre toutes les mesures appropriées pour mettre en œuvre, de manière effective, les droits reconnus par ce texte.
Or, l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques en matière de handicap ne prennent pas pleinement en considération la nouvelle approche par les droits induite par la Convention. L’approche du handicap demeure essentiellement médicale.

Si la protection juridique des personnes handicapées contre les discriminations a évolué ces dernières années, principalement sous l’influence du droit européen, elle reste néanmoins insuffisante, et les discriminations fondées sur le handicap, encore trop nombreuses. 
En ratifiant la CIDPH, l’Etat s’est engagé à « adopter toutes mesures appropriées d’ordre législatif, administratif ou autre pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la Convention » et à « prendre les mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour modifier, abroger ou abolir les lois, règlements, coutumes et pratiques qui sont sources de discrimination envers les personnes handicapées ».

L’obligation d’aménagement raisonnable n’est reconnue, par la législation nationale, qu’en matière de travail et d’emploi. Mais elle n’est pas expressément étendue aux autres domaines. Dans ses observations finales, le comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies recommande à l’Etat « d’inscrire dans la législation antidiscrimination que le refus de procéder à des aménagements raisonnables est une forme de discrimination dans toutes les sphères de la vie ».
Le Défenseur des droits recommande donc, conformément aux recommandations du CRPD, d’inscrire dans la définition de la discrimination prévue par la loi, l’obligation d’aménagement raisonnable en matière de handicap de manière à la rendre effective dans tous les domaines couverts par la Convention.
Plus généralement, le Défenseur des droits recommande de procéder à la nécessaire harmonisation de la législation nationale avec la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées.

Un besoin de données fiables sur le handicap

Le recueil de données fiables et actualisées permettant d’identifier les besoins et les situations rencontrées par les personnes handicapées constitue un enjeu majeur de la prévention et de la lutte contre les discriminations.

Or, les informations statistiques et les études sur le handicap témoignent d’un manque de visibilité et de comparabilité des données produites au niveau national et a fortiori international sur les besoins et prises en charge des personnes handicapées dans leur diversité . S’il existe de multiples sources de données statistiques sur le handicap, la difficulté provient principalement de l’hétérogénéité des données recueillies, selon des périodicités et des finalités différentes. Cette situation tient, en partie, au fait que les diverses sources de données disponibles n’adoptent pas une approche harmonisée de la notion de « handicap ».

Dans le cadre de ses compétences, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est chargée, par la loi de 2005, de recueillir les données anonymisées concernant les personnes ayant déposé une demande auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Mais le déploiement de ce système d’information, qui ne couvrira pas l’ensemble des politiques du handicap, est encore en cours et doit être accéléré.

Le Défenseur des droits, qui a évoqué à plusieurs reprises les lacunes et les incohérences des dispositifs de statistiques existants , recommande :

  • d’harmoniser la notion de handicap prise en compte dans les différentes sources statistiques et collectes des données ; 
  • de garantir une plus grande homogénéité dans le recueil des données, en particulier en termes de périodicité des différentes études et statistiques, de manière à pouvoir comparer les données ;
  • de faire en sorte de disposer de données fiables et régulièrement actualisées, ventilées a minima par sexe, tranche d’âge et typologie de handicap, dans une approche intersectionnelle, et couvrant l’ensemble des politiques du handicap. 

A cet égard, l’ajout d’une question complémentaire sur l’état de santé et la dépendance au sein du questionnaire individuel de recensement , défendue par la Défenseure des droits et décidé par le CNIS fin 2021, constitue une avancée pour collecter une information territorialisée sur les personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie en sus des sources administratives disponibles.