Julia, harcelée sexuellement et pas protégée par son administration

02 avril 2020

Harcèlement

Militaire, Julia a entretenu une relation amoureuse avec un autre membre de son régiment qui s’est terminée après une courte période. Ce dernier a tenu, par la suite, des propos particulièrement dégradants, humiliants, sexistes à l’égard de Julia auprès des autres membres de la section ainsi que des encadrants, portant atteinte à sa dignité. Il a, par exemple, exposé de nombreux détails de leur vie sexuelle passée, a dit à Julia de ne lui adresser la parole que si elle lui accordait des faveurs sexuelles et lui a adressé des menaces à caractère sexuel. 

Ces propos ont également créé un environnement offensant et hostile puisque certains membres de la section se sont autorisés à avoir des comportements à connotation sexuelle avec Julia, notamment des propos la réduisant au statut « d’objet sexuel ». Cette situation a duré plusieurs semaines et a eu des répercussions sur l’état de santé de Julia (troubles du sommeil et de l’alimentation, crises de larmes, arrêt maladie).

Elle a décidé de saisir la « cellule mixité » du centre de formation initiale des militaires (CFIM). S’en est suivie une enquête administrative à l’issue de laquelle son collègue a été suspendu 7 jours pour « avoir divulgué à des tiers des informations privées sur l’un de ses camarades », et non pour harcèlement sexuel, ce que contestait Julia.

Cette dernière a d’abord fait l’objet d’un ajournement temporaire de formation, contrairement à son collègue qui, lui, a repris ses fonctions. Julia s’est même vue imposer un congé maladie et a reçu un mois plus tard une décision de son employeur qui la déclarait inapte pour raison médicale.

Elle a saisi le Défenseur des droits, estimant que son employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour la protéger des faits de harcèlement sexuel et que son éviction n’était pas justifiée.

À l’issue de son enquête, le Défenseur des droits a notamment regretté la minimisation de la gravité des faits subis par Julia, puisque l’enquête interne de l’administration a : « conclu à la fin précoce, difficilement vécue par [Julia] d’une relation amoureuse et librement consentie, indépendamment de l’inélégance morale du tiers à l’origine de la rupture ». Pour le Défenseur des droits, l’« inélégance morale » ne peut bien évidemment pas être retenue pour qualifier la violence des propos adressés à Julia.

Le Défenseur des droits a également constaté que les encadrants n’avaient pas été auditionnés par l’administration alors que certains ont été témoins des faits et que l’un d’eux a même encouragé l’accusé. De plus, les faits se sont produits sur plusieurs semaines, publiquement, sans que la hiérarchie n’y mette un terme et ne signale les faits au commandement. Or, dès lors que les faits se produisent sur le lieu de travail, il est de la responsabilité de l’employeur de mener une enquête approfondie pour établir la véracité des faits et déterminer la responsabilité de chacun.

À l’issue de son enquête, le Défenseur des droits a notamment recommandé au ministère de la Défense : d’octroyer la protection fonctionnelle à Julia (assistance juridique et réparation des préjudices subis) ; d’engager une enquête pour déterminer la responsabilité des encadrants et d’en tirer les conséquences sur le plan disciplinaire ; de former la ligne hiérarchique ainsi que la cellule mixité à l’identification, la qualification et au traitement des violences sexuelles et sexistes ainsi qu’à l’écoute et l’accompagnement des agents victimes ; de rappeler aux encadrants l’obligation de signalement des faits de violences sexuelles et sexistes à leurs supérieurs.