La Défenseure des droits recommande de mettre fin à la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle
31 mai 2023
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Saisie depuis 2018 de nombreuses réclamations relatives à des difficultés dans la mise en œuvre de la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) qui compromettent le respect des droits des usagers, dont le droit de contester l’amende, la Défenseure des droits, Claire Hédon, publie ce jour une décision cadre et recommande d’y mettre fin.
La procédure de l’amende forfaitaire, qui permet de prononcer une sanction pénale en l’absence de procès, est mise en œuvre de longue date en matière contraventionnelle. Le Défenseur des droits constatait déjà que la complexité du dispositif répressif en matière de contraventions et la dématérialisation croissante de leur traitement ne permettaient pas de garantir aux usagers l'effectivité de leurs droits. Le législateur a pourtant fait le choix de développer un dispositif similaire en matière délictuelle, et de l’étendre jusqu’à une centaine de délits, alors que les conséquences pour les personnes sont plus importantes.
La forfaitisation des délits, en privant l’usager d’accès à la justice, déroge à plusieurs principes fondamentaux du droit pénal et de la procédure pénale, tels que :
- le principe de l’opportunité des poursuites,
- le droit d’accès au juge,
- les droits de la défense,
- le principe de l’individualisation des peines.
Les réclamations auprès du Défenseur des droits portent principalement sur des erreurs de qualification juridique des faits, la non réception de l’avis d’amende ou encore des difficultés relatives à sa contestation. A partir de ces réclamations, la Défenseure des droits constate :
Des difficultés majeures rencontrées dès le constat de l’infraction
Un risque d’arbitraire dans le recours à la procédure de l’AFD
La procédure de l’AFD est une procédure exceptionnelle de prononcé d’une amende en tant que sanction pénale, en dehors de toute procédure judiciaire contradictoire. Le choix de recourir ou non à cette procédure repose uniquement sur l’appréciation des agents verbalisateurs et présente de fait un risque d’arbitraire puisque les agents sont maîtres de la qualification de l'infraction et de l'opportunité de décider du mode de réponse pénale sans que le procureur de la République puisse apprécier l’opportunité des poursuites. Or, les conséquences sont lourdes et ce, pas seulement d’un point de vue pécuniaire, car le paiement de l’amende, l’absence de contestation de l’AFD majorée ou le rejet de la contestation entraînent une inscription de l’AFD au casier judiciaire.
Des erreurs de qualification des faits
L’agent verbalisateur est chargé, lors de la verbalisation, de qualifier juridiquement des faits qu’il n’est pas toujours aisé de qualifier, notamment l’élément intentionnel qui caractérise le délit et le distingue de la contravention, sans encadrement ni contrôle à ce stade. Malgré les efforts de formation des agents verbalisateurs, ces derniers, souvent insuffisamment accompagnés et encadrés, peuvent commettre des erreurs de qualification et de caractérisation de l’infraction dont les conséquences sont préjudiciables à l’usager.
Des difficultés rencontrées au stade de la réception de l’AFD
L’usager rencontre de nombreuses difficultés à la réception de l’avis d’AFD. En effet, l’avis ne contient pas suffisamment d’informations lui permettant de comprendre la procédure dont il fait l’objet et donc de faire valoir ses droits. L’envoi en lettre simple de l’avis d’AFD alors même que la preuve d’envoi suffit à faire courir les délais de recours, engendre des difficultés pour l’usager et affecte plus encore les personnes qui n’ont pas de lieu de résidence fixe sur le long terme.
Un mode de contestation portant atteinte au droit au recours
La complexité des règles de contestation et la confusion qu’elle entraîne chez les usagers font que de nombreuses requêtes sont jugées irrecevables. L’obligation de consignation préalable ainsi que son montant important, imposée à toute personne indifféremment de sa situation de vulnérabilité économique, ont pour effet d’empêcher ces personnes de formuler une contestation recevable ou de les amener à renoncer à exercer ce recours.
Cette procédure complexe porte atteinte au droit au recours de la personne poursuivie. Elle restreint l’accès au service public de la justice alors que les conséquences sur la situation pénale des personnes peuvent être lourdes avec une inscription au casier judiciaire pouvant faire obstacle à l’accès à un examen ou à un emploi par exemple.
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La Défenseure des droits recommande, devant les atteintes majeures aux droits et à l’égalité engendrées par la procédure de l’AFD, de mettre fin à cette procédure et de revenir à une procédure judiciaire pour tous les délits afin de respecter les droits et l’égalité entre les usagers.
A titre subsidiaire, elle propose différentes améliorations de la procédure afin de mieux respecter les droits des usagers :
- clarifier le cadre d’emploi de l’AFD auprès des agents sur le terrain, notamment en simplifiant les informations juridiques mises à leur disposition ;
- améliorer l’information de la personne verbalisée à chacun des stades de la procédure, notamment en renforçant les informations sur l’avis d’amende qui lui est envoyé ;
- accroître le contrôle de la régularité des AFD par le centre national de traitement du parquet de Rennes, notamment en augmentant les moyens humains indispensables à l’effectivité du contrôle ;
- alléger les conditions de recevabilité de la contestation de l’AFD, notamment en supprimant la consignation.
Consulter la décision cadre 2023-30 sur l'espace documentaire