Mayotte : la Défenseure des droits accentue ses actions pour le respect des droits fondamentaux
26 avril 2023
- Droits fondamentaux
- Mayotte
Alors que l’opération « Wuambushu » visant à lutter contre l’immigration irrégulière, l’habitat indigne et la délinquance à Mayotte, a débuté et au regard des risques qu’elle présente, la Défenseure des droits rappelle que la nécessité de garantir l’ordre public et la sécurité ne peut, en aucun cas, autoriser des atteintes aux droits et libertés fondamentales des personnes.
L’institution du Défenseur des droits alerte l’Etat, de manière récurrente, depuis son premier rapport en 2013, sur les atteintes aux droits, notamment des enfants, sur ce territoire. En effet, à Mayotte plus qu’ailleurs, il existe un écart immense entre les droits consacrés et ceux effectivement exercés. La présence d’un chef de pôle régional et des déléguées du Défenseur des droits sur place, de façon permanente, qui traitent de centaines de réclamations chaque année en matière d’accès aux services publics pour tous, d’accès à la santé, de prestations sociales pour les Mahorais ou de droit à l’éducation, témoignent de la préoccupation constante de l’institution à l’égard de ces défaillances de l’action de l’État dans ce département.
Dans le cadre de la mise en œuvre de l’opération « Wuambushu », le Défenseur des droits est particulièrement attentif au respect inconditionnel des droits fondamentaux des personnes et notamment de l’intérêt supérieur de l’enfant.
A cet égard, l’institution a déjà présenté des observations en justice à plusieurs reprises très récemment.
Elle prévoit, en outre, de renforcer son action sur place avec l’envoi d’une délégation de juristes destinée à opérer des vérifications sur place, dresser des constats et mener des instructions le cas échéant, s’agissant du respect des droits et libertés de chacun dans ses domaines de compétence.
Les nombreuses réclamations traitées par le Défenseur des droits suscitent de vives inquiétudes sur les risques d’atteintes aux droits et notamment sur les situations suivantes :
Les évacuations et les destructions des bidonvilles
Les habitants des constructions bâties illicitement, y compris les occupants sans droit ni titre, bénéficient du droit au respect de la vie privée et familiale garanti notamment par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’expulsion et la destruction du domicile constitue l’une des atteintes les plus graves à ce droit. Elles ne peuvent être justifiées que par des nécessités impérieuses de protection de la santé ou de la sécurité publique et si elles sont accompagnées d’une garantie inconditionnelle du droit à un hébergement.
La destruction et l’évacuation des « bangas », maisons de fortune, faites de bois et de tôle, souvent illicitement construites, ne peuvent faire exception à ces principes. Par conséquent, l’institution rappelle que la seule considération de la nationalité des habitants ou de leur appartenance réelle ou supposée à une origine ou une ethnie ne peut justifier une telle mesure.
En outre, la Défenseure des droits et le Défenseur des enfants sont inquiets des conséquences de ces opérations sur les droits des enfants et des adolescents. L’institution a alerté le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies sur les atteintes récurrentes aux droits des enfants à Mayotte, notamment le droit à l’éducation et rappelle que plus de
15 000 mineurs ne sont pas scolarisés. Cette situation de non-accès à l’éducation de toute une partie des enfants du département perdure depuis plus de 10 ans. Dans ce contexte, les expulsions des familles vont aggraver les atteintes au droit à l’éducation des enfants.
Enfin, ces procédures d’expulsion et de destruction doivent respecter strictement les cadres juridiques applicables et en particulier les décisions de justice. Ainsi, le Défenseur des droits a été saisi en décembre 2022 de la contestation d’un arrêté préfectoral portant sur la destruction d’habitations dans la commune de Mamoudzou, suspendu par le tribunal administratif en l’absence de solutions de relogement adaptées. Malgré cette décision de justice, la préfecture a procédé à la destruction d’une partie des habitations constituant un déni de justice.
L’éloignement des étrangers en situation irrégulière
Depuis 2016, le Défenseur des droits s’inquiète des entraves aux droits fondamentaux des étrangers résultant de la mise en œuvre des mesures d’éloignement à Mayotte.
Le Défenseur des droits a été saisi à des multiples reprises de réclamations relatives aux décisions de retraits de titres de séjour assorties de mesures d’éloignement par le préfet de Mayotte. Les arrêtés contestés placent ainsi brutalement les intéressés dans une situation irrégulière, les exposant à un risque d’éloignement imminent, malgré les liens personnels et familiaux développés en France et malgré la présence sur le territoire de plusieurs de leurs enfants, dont certains ont la nationalité française. Le tribunal administratif de Mayotte a sanctionné à plusieurs reprises cette pratique, suivant ainsi les observations du Défenseur des droits.
De même, les séparations des familles du fait de l’éloignement expéditif de parents étrangers, accroissent le nombre de mineurs isolés. Les placements en rétention administrative d’adolescents dont la date de naissance a été modifiée et les rattachements d’enfants à des tiers aux fins d’éloignement ont fait l’objet d’une décision du Défenseur des droits en octobre 2022.
Enfin, la garantie du droit au recours semble incompatible avec le caractère expéditif des procédures mises en œuvre à Mayotte. Dans de précédents travaux, l’institution a regretté la rapidité de traitement de cas individuels s’apparentant parfois à une certaine précipitation, incompatible avec l’exercice effectif des droits des personnes interpellées. Il est impératif que les étrangers disposent d’un recours effectif pour contester un arrêté de reconduite à la frontière.
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Dans une situation particulièrement tendue et complexe, la Défenseure des droits appelle au maintien de l’équilibre nécessaire entre les exigences de sécurité et les garanties qui doivent être apportées au respect des droits fondamentaux et libertés des personnes.