
Rapport annuel d’activité 2024 : la Défenseure des droits appelle à un sursaut collectif face aux ruptures de droits
25 mars 2025
Les 140 996 réclamations et demandes d’informations et orientations reçues par l’institution et les travaux réalisés au cours de l’année 2024 traduisent, une nouvelle fois, une augmentation des atteintes aux droits en France. Alors que les discriminations augmentent, l’ampleur du taux de non-recours témoigne d’un renoncement face à la promesse républicaine d’égalité. C’est pourquoi la Défenseure des droits appelle à un sursaut collectif pour prévenir et lutter contre les discriminations.
Garantir l’égalité et réaffirmer la prééminence des droits et libertés
Alors que l’ampleur et l’augmentation des discriminations en France sont confirmées par de nombreuses études, la Défenseure des droits observe, avec inquiétude, que les victimes renoncent à faire valoir leurs droits en raison de la complexité des démarches, de la peur des représailles, d’une méconnaissance de leurs droits, ou encore d’un sentiment de découragement.
La Défenseure des droits constate aussi une augmentation des discriminations liées à l’origine qui, en prenant également en compte d’autres critères qui interagissent (nationalité, apparence physique, religion, lieu de résidence), représentent un quart des réclamations de l’institution en matière de discriminations. Les conséquences de ces discriminations sont concrètes et graves sur le quotidien des victimes.
Face à ces constats, la Défenseure des droits regrette un essoufflement des politiques publiques en matière de lutte contre les discriminations depuis une vingtaine d’années, ces dernières se résumant à des actions ponctuelles et sectorielles (concernant certains domaines et critères). Or le caractère systémique des discriminations résulte d’un ensemble de facteurs cumulés (socio-économiques, politiques, culturels…). C’est pourquoi la Défenseure des droits appelle à un réel sursaut collectif pour corriger et prévenir les mécanismes de production des discriminations. Notre société ne peut se résoudre à accepter des inégalités qui se révèlent délétères pour la cohésion sociale.
L’année 2024 confirme également des difficultés d’accès aux services publics liées à la dématérialisation, avec notamment la hausse massive des réclamations relatives au droit des étrangers, devenu le premier motif de saisine de l’institution depuis 2022. Ainsi, plus d’une réclamation sur trois reçues par l’institution a trait aux demandes d’octroi et surtout de renouvellement de titres de séjour. Les difficultés rencontrées par les usagers ressortissants étrangers ont été nettement aggravées depuis le déploiement de l’Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF), qui s’est imposée comme canal unique entièrement dématérialisé pour les demandes de titres de séjour et de renouvellement. Le manque de solutions, d’accompagnement et de moyens de substitution au numérique sont criants et laissent de nombreuses personnes sans preuve de leur droit au séjour. Les conséquences peuvent rapidement devenir catastrophiques pour les personnes, et en chaîne : perte d’emploi, perte de logement, perte des prestations sociales, etc. Par ailleurs, ces dysfonctionnements ont des répercussions notables sur la saturation des services en préfecture. C’est pourquoi la Défenseure des droits a publié un rapport sur l’administration numérique pour les étrangers en France et a proposé 14 recommandations.
Une institution vigilante face à de nouvelles atteintes aux droits
L’impact croissant de l’intelligence artificielle sur les droits et libertés des personnes
Face au nombre croissant de décisions administratives individuelles prises sur la base de résultats provenant des algorithmes ou systèmes d’IA utilisés, la Défenseure des droits, dans un rapport publié au mois de novembre 2024, s’est intéressée aux risques qu’induit l’algorithmisation des services publics sur les droits des usagers. Le rapport examine l’effectivité de deux garanties particulièrement importantes : l’intervention humaine dans la prise de décision et la maîtrise des systèmes, et l’exigence de transparence des décisions prises à l’égard des usagers concernés.
Crise climatique : l’impact du changement climatique sur les droits et libertés
Par ailleurs, en 2024, l’institution a reçu et traité des réclamations relatives à des atteintes aux droits à l’environnement. La Défenseure des droits a par exemple été amenée à instruire des réclamations relatives aux usages de l’eau, aux actions de lutte contre les incendies et les inondations, aux nuisances sonores, à la police des installations classées pour l’environnement (ICPE) et, en particulier, aux pollutions que leur exploitation peut engendrer. Cette année a été également l’occasion de mettre en lumière les conséquences de la dégradation de l’environnement sur les droits des enfants dans un rapport. La Défenseure des droits y souligne la nécessité de prendre en compte la particulière vulnérabilité des enfants dans la définition des politiques publiques et d’initier un traité international contraignant pour la protection de l’environnement.