Retour sur le collège "déontologie de la sécurité" du 8 octobre 2024

21 novembre 2024

Déontologie de la sécurité

Le collège « déontologie de la sécurité » s’est réuni le mardi 8 octobre. Plusieurs projets de décisions lui ont été soumis pour recueillir son avis.
Trois décisions questionnent la prise en charge des mineurs par les forces de l’ordre. Deux concernent les relations des forces de l’ordre avec des ressortissants étrangers. Enfin, deux soulèvent des problèmes dans l’usage non proportionné de la force.
Lors de l’instruction de ces situations, les services du Défenseur des droits ont notamment constaté des défaillances dans le bon fonctionnement de la chaîne hiérarchique et des manquements à plusieurs obligations de la part des agents.

Rappel :

Le Défenseur des droits est l’autorité de contrôle externe du respect de la déontologie par les professionnels de la sécurité. Lorsqu’il est saisi par une personne qui estime qu’un professionnel de la sécurité (policier, gendarme, agent de sécurité…) n’a pas respecté ses obligations déontologiques, il enquête pour déterminer si des manquements sont avérés.

Comme le prévoit la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, « Le Défenseur des droits préside les collèges qui l'assistent pour l'exercice de ses attributions en matière de défense et de promotion des droits de l'enfant, de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité, ainsi que de déontologie dans le domaine de la sécurité. ».

Les collèges sont présidés par la Défenseure des droits. Les adjointes et l'adjoint en sont les vice-présidents et peuvent suppléer la Défenseure pour la présidence de ces collèges.

Le collège déontologie de la sécurité est composé de :

  • trois personnalités qualifiées désignées par le président du Sénat,
  • trois personnalités qualifiées désignées par le président de l'Assemblée nationale,
  • un membre ou ancien membre du Conseil d'Etat désigné par le vice-président du Conseil d'Etat,
  • un membre ou ancien membre de la Cour de cassation désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour.

En savoir plus sur la composition des collèges

Droits des mineurs 

Non-respect des droits d’une mineure durant sa retenue judiciaire 

Mise en cause dans une procédure pénale, une mineure âgée de douze ans a été auditionnée dans un commissariat dans le cadre d’une retenue judiciaire. Pourtant, elle n’a pas reçu d’explications adaptées sur ses droits. Les agents de police n’ont pas fait droit à sa demande d’assistance d’un avocat et ses représentants légaux n’ont pas été informés ni présents lors de l’audition. L'audition elle-même a été marquée par des questions pressantes et inappropriées et ce dans des conditions matérielles bruyantes. Enfin, la Défenseure des droits a relevé une retranscription incomplète des échanges.

La Défenseure des droits a conclu à un manquement aux obligations déontologiques des agents de police, notamment à leur obligation de discernement ainsi qu’à un non respect des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

La Défenseure des droits a saisi le ministre de l’intérieur afin qu’il engage une procédure disciplinaire à l’encontre des agents de police concernés et lui recommande de rappeler aux forces de l’ordre l’importance de respecter les droits des mineurs, en particulier en leur expliquant clairement leurs droits, en permettant leur assistance par un avocat, et en améliorant les conditions d’audition..

Consulter la décisions 2024-157

Non prise en charge des enfants mineurs d’un père de famille placé en garde à vue 

Lors de son placement en garde à vue, un homme a signalé aux agents de police que ses enfants de 10 et 13 ans étaient seuls au domicile familial. La policière en charge de la mesure n’a pas pris en compte cette information.». 

Neuf heures plus tard, un officier de police judiciaire est passé devant sa cellule en lui disant qu’il avait « laissé ses enfants tous seuls et qu’ils allaient envoyer une équipe sur place pour défoncer la porte puis les déposer à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS)  et qu’il ne reverrait jamais ses enfants ». L’officier a ensuite laissé un message sur le répondeur de la mère des enfants : « M. X est en garde à vue il va passer la nuit chez nous, vos deux enfants sont seuls à la maison il est hors de question qu’ils restent une minute seuls au domicile de Monsieur, à défaut de votre appel j’appelle la DDASS immédiatement et ils seront placés et bonne chance pour les récupérer ».

La Défenseure des droits a considéré que l’absence de prise en compte de l’information primordiale selon laquelle les enfants étaient seuls au domicile constitue un manquement au devoir de discernement et les termes utilisés pour contacter la mère des enfants un manquement au devoir d’exemplarité et à l’obligation de courtoisie, et que ces manquements ont porté atteinte à l’intérêt supérieur des enfants.

La Défenseure des droits a saisi le ministre de l’Intérieur afin qu’il engage une procédure disciplinaire contre les agents concernés. En outre, elle recommande que des instructions précises soient diffusées afin de rappeler aux agents la nécessité de saisir le procureur de la République des difficultés rencontrées dans le cadre d’un placement en garde à vue notamment concernant la prise en compte des enfants mineurs en cas de placement en garde à vue du civilement responsable.

Consulter la décisions 2024-152

Atteinte à la dignité d’un mineur placé en garde à vue

La Défenseure des droits a été saisie après qu'une policière a utilisé la casquette d’un mineur en garde à vue pour éponger de l’urine dans sa cellule avant de la lui rendre en le réprimandant. La scène a été observée par un avocat qui a ensuite signalé les faits. 

Une policière a utilisé sa casquette pour éponger le sol de la cellule avant de la lui rendre en le réprimandant. La scène a été observée par un avocat qui a ensuite signalé les faits.
Le comportement d’une personne gardée à vue, consistant à souiller une cellule, est répréhensible mais il ne saurait justifier qu’un fonctionnaire de police adopte le même comportement en souillant à son tour un bien d’une personne gardée à vue.
 
La Défenseure des droits a considéré ce comportement inacceptable et contraire au respect de la dignité du mineur gardé à vue. Elle a conclu que la policière avait manqué à son obligation de discernement et d’exemplarité.

La Défenseure des droits a saisi le ministre de l’Intérieur afin qu’il engage une procédure disciplinaire contre la policière, soulignant que la protection des mineurs en garde à vue nécessite un comportement exemplaire et respectueux de leur dignité.

Consulter la décisions 2024-151


Dans ces trois situations, les droits des mineurs et l’intérêt supérieur de l’enfant n’ont pas été respectés. Si le discernement des agents aurait permis de l’éviter, ces situations soulignent le manque de formation et de directives claires permettant une prise en charge correcte et respectueuse des mineurs.

Relations avec des ressortissants étrangers

Refus de plainte d’une personne en raison de sa situation administrative

Un ressortissant nigérian a tenté de déposer plainte dans un commissariat pour harcèlement homophobe. Le policier a refusé d'enregistrer sa plainte, exigeant des documents d'identité et une situation administrative régulière. La plainte n'a été enregistrée qu'un mois plus tard, après obtention par le plaignant d’un récépissé de demandeur d’asile.

La Défenseure des droits a conclu que ce refus de plainte était illégal et contraire aux règles de procédure pénale, qui ne conditionnent pas l'enregistrement des plaintes à une situation administrative régulière. Elle a également constaté plusieurs manquements comme l'absence d'assistance appropriée à une victime vulnérable et le manquement au droit d’accès à un interprète. Ces violations ont entravé les droits du plaignant, créant une situation de peur et d'incertitude.

La Défenseure des droits a recommandé au ministre de l’Intérieur d'intervenir pour rappeler les règles en vigueur aux forces de l'ordre, notamment sur l'accueil des victimes sans distinction de leur situation administrative.

Consulter la décisions 2024-150

Traitements dégradants et manquement à l’obligation d’assistance lors du transfert de deux personnes en situation irrégulière

Deux hommes retenus dans un centre de rétention administrative (CRA) ont été transférés sous escorte policière vers un aéroport pour expulsion. Durant le trajet, ils ont été menottés derrière le dos pendant plus de deux heures, malgré l'absence de comportement justifiant une telle mesure. Lors de la tentative d'embarquement, l’un des deux a été blessé et des contusions ont été constatées, sans explication de la part des policiers. Après l'échec de l'embarquement, les policiers ont relâché les deux hommes au bord d'une route, loin de tout moyen de transport, sans explication ni assistance. 

La Défenseure des droits a relevé des manquements, notamment sur l'usage injustifié des menottes, l'absence de précautions pour éviter les blessures, et le manque de discernement dans la remise en liberté des réclamants, exposés à des risques en raison de leur situation vulnérable. Elle a recommandé que des rappels de leurs obligations déontologiques soient adressés aux policiers mis en cause et que des consignes précises concernant la remise en liberté des personnes faisant suite à leur refus d’embarquer soient élaborées et diffusées auprès des policiers chargés d’escorte.

Consulter la décisions 2024-158

Dans les décisions qui concernent des ressortissants étrangers, la Défenseure des droits relève à la fois un non-respect de leurs droits par les forces de l’ordre, mais également une absence de prise en compte de leur vulnérabilité.

Usage de la force

Usage disproportionné de la force par une surveillante pénitentiaire et manquement aux droits et devoirs respectifs de la hiérarchie et des agents placés sous son autorité

Après un échange d'insultes avec un détenu, une surveillante pénitentiaire est entrée dans la cellule de ce dernier, a fait usage de la force pour l’immobiliser au sol, elle l'a placé au quartier disciplinaire à titre préventif.

L’enquête menée par le Défenseur des droits a révélé que la surveillante avait agi sans être en danger, et que les faits relatés dans son rapport d'incident ne correspondaient pas aux images de vidéosurveillance ni aux témoignages des autres personnes présentes. La Défenseure des droits a conclu à des manquements dans l’usage proportionné de la force et à l'absence de justification concernant le placement disciplinaire. Elle a aussi constaté un manque de réaction adéquate de la hiérarchie, et une transmission tardive et incomplète des informations par la direction de l’administration pénitentiaire.

La Défenseure des droits a saisi le garde des Sceaux, ministre de la justice, afin qu’il engage une procédure disciplinaire à l’égard de la surveillante et formulé des recommandations pour répondre aux différents manquements constatés de la part des autres protagonistes.  

Consulter la décisions 2024-149

Usage de gaz lacrymogène sur une personne sous l'emprise de stupéfiants

Des policiers sont intervenus pour mettre fin aux nuisances nocturnes provoquées par une personne sous l’emprise de drogue. Malgré l’absence de signe d’agressivité de sa part, ils ont utilisé du gaz lacrymogène, la faisant s’effondrer au sol. Ils ont ensuite quitté les lieux sans vérifier son état de santé alors les directives en vigueur leur imposent de faire appel à un médecin dans de telles situations. C’est une voisine, à l’origine de la saisine du Défenseur des droits, qui a appelé les secours. Les policiers sont revenus plus tard sans pour autant s’enquérir de l’état de santé de la personne concernée. 

La Défenseure des droits a conclu qu’en l’absence d’absolue nécessité, l’usage du gaz lacrymogène n’était pas justifié. Elle a également relevé un manquement dans l’absence de surveillance de la victime après l’intervention. En outre, le commandant divisionnaire a rédigé un rapport minimisant l’incident et traitant avec dérision la réclamation de la riveraine témoin des faits.

La Défenseure des droits a saisi le ministre de l’Intérieur afin qu’il engage une procédure disciplinaire contre les policiers impliqués et lui a recommandé d’adresser au commandant divisionnaire un rappel de ses obligations de contrôle hiérarchique et de respect et considération à l’égard des usagers.

Consulter la décisions 2024-148

À plusieurs reprises dans l’instruction de ces réclamations, la Défenseure des droits a constaté des rapports incomplets, erronés ou minimisant les incidents ainsi que des manquements dans le contrôle hiérarchique.

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