
Racisme, antisémitisme et xénophobie : contribution du Défenseur des droits au rapport 2024 de la CNCDH
21 mars 2025
À l’occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale du 21 mars, la Défenseure des droits rend publique sa contribution au rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Cette contribution vient rappeler l’ampleur des discriminations liées à l’origine, à la religion et à la nationalité dans la société française et leur dimension systémique et la nécessité de faire évoluer les pratiques dans le sens de ses recommandations.
Chaque année, l’institution soumet une contribution au rapport annuel de la CNCDH sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. À partir des réclamations qui lui sont adressées, des travaux qu’elle mène et des études qu’elle pilote, elle dresse un état des lieux des discriminations liées à l’origine et rappelle ses recommandations aux pouvoirs publics comme aux acteurs pour lutter efficacement contre ces discriminations massives et assurer l’égalité de traitement.
Un état des lieux des discriminations et des atteintes aux droits fondamentaux des étrangers
Si elles ne reflètent que la partie émergée du phénomène, les saisines reçues par le Défenseur des droits témoignent de la persistance et de l’ampleur des discriminations fondées sur l’origine dans la société française. D’après le 17e Baromètre des discriminations dans l’emploi, co-réalisé par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) publié en décembre 2024, 17% de la population active déclare ainsi avoir vécu une discrimination ou un harcèlement discriminatoire dans l’emploi en raison de son origine, de sa nationalité ou de sa couleur de peau et 18% en raison de sa religion (contre 7% en 2023).
Pénalisées dans l’accès à l’emploi ou au logement, surexposées au chômage, à la précarité, aux contrôles policiers, à un état de santé dégradé ou encore aux inégalités scolaires, les personnes d’origine étrangère ou perçues comme telles voient leurs parcours entravés de façon durable et concrète par ces discriminations qui mettent en cause leurs droits les plus fondamentaux. Dans sa contribution, la Défenseure souligne notamment que dans le contexte de crise inédite du parc social, les demandeurs les plus pauvres, parmi lesquels les personnes étrangères sont surreprésentées, sont systématiquement désavantagés dans l’accès au logement social. L’institution relève aussi, pour la première fois, l’existence de pratiques discriminatoires lors de la prise en charge médicale dans un centre hospitalier. Elle s’est également prononcée à plusieurs reprises sur le caractère discriminatoire de l’exclusion d’une salle de sport ou de loisirs, fondée sur le règlement intérieur, opposée à des femmes musulmanes en raison du port du voile.
Dans sa contribution, le Défenseur des droits alerte par ailleurs sur la profonde dégradation des droits des étrangers, notamment dans le cadre de la loi 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Elle fait notamment état des atteintes substantielles et multiples aux droits des personnes interpellées à la frontière intérieure franco-italienne et rappelle l’urgence de se conformer au droit européen et international.
L’importance d’instaurer des politiques de prévention et des procédures efficientes
Ces constats sont d’autant plus préoccupants que les recours des victimes de discriminations restent plus faibles en cas de discriminations fondées sur l’origine que pour d’autres critères comme le handicap, la grossesse ou l’état de santé.
La Défenseure des droits fait le constat que le contentieux reste toujours difficile, rare et peu dissuasif. Elle rappelle à cet effet l’importance des recours collectifs et ses recommandations pour améliorer la procédure de l’action de groupe. Comme précisé dans sa décision-cadre 2025-019 publiée récemment, l’institution souligne également dans sa contribution la nécessité de mettre en place des dispositifs efficaces de signalement des discriminations et d’enquête dans l’emploi comme dans l’enseignement supérieur.
Néanmoins, la lutte contre les discriminations ne saurait reposer sur les seules victimes et leurs éventuelles démarches. Si la Défenseure des droits a pu saluer le lancement du Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine rendu public en janvier 2023, elle s’inquiète aujourd’hui du retard pris dans sa mise en œuvre et que certaines des mesures prévues n’aboutissent pas d’ici 2026. La Défenseure des droits reste attachée à ce que les travaux engagés dans le cadre du plan soient poursuivis. Au-delà, face aux approches en silo, elle regrette l’absence de politique publique nationale, cohérente et transversale, permettant de lutter contre les discriminations dans leur dimension systémique.