Remise du prix de thèse 2024 du Défenseur des droits

14 novembre 2024

Le 14 novembre 2024, le dixième Prix de thèse du Défenseur des droits a été remis par Claire Hédon à deux co-lauréates.

En 2024 le jury du prix de thèse était composé de :

  • Pierre-Yves BAUDOT, professeur de sociologie, Université Paris-Dauphine ;
  • Lucie CLUZEL-METAYER, professeure de droit public, Université Paris-Nanterre ;
  • Thierry DELPEUCH, chercheur CNRS, UMR Pacte, Université Grenoble Alpes ;
  • Pascale DEUMIER, professeure de droit privé, Université Jean Moulin Lyon 3 ;
  • Danièle LOCHAK, professeure émérite de droit public, Université Paris-Nanterre ;
  • Elise PALOMARES, professeure de sociologie, Université de Rouen ;
  • Delphine THARAUD, professeure de droit privé et sciences criminelles, Université de Limoges ;
  • Vincent TIBERJ, professeur de sociologie politique, Sciences Po Bordeaux ;
  • Pascal TISSERANT, maître de conférences en psychologie sociale, Université de Lorraine – Metz.
  • Arthur VUATTOUX, maître de conférences en sociologie, Université Sorbonne Paris Nord ;

Les thèses primées cette année 

« Le critère de la richesse des particuliers en droit public français » 

Thèse de droit public de Sarah Philibert, réalisée sous la direction de Gweltaz Eveillard, et soutenue le 14 décembre 2023 à l’université de Rennes.

Cette thèse montre la réception par le droit public d’un concept économique, la richesse, et les conséquences de cette réception sur les particuliers dans l’exercice de leurs droits et libertés.

[Musique]
Titre : « Le critère de la richesse des particuliers en droit public français », par Sarah Philibert (co-lauréate du prix de thèse du Défenseur des droits)
Sarah Philibert, Maîtresse de conférences en droits public. – Paris 1 Panthéon Sorbonne
Comme dans ma thèse je parle beaucoup de la question du principe d'égalité en droit je me suis dit que ça pouvait quand même se rattacher au prix thèse du Défenseur des droits.
J'ai voulu avoir une vision transversale de la richesse en droit public, à la fois en droit fiscal, en droit de l'aide sociale et en droit des services publics. L'objectif c'est d'importer un concept économique, la richesse, en droit public. De montrer comment le droit public utilise ce concept économique pour construire des catégories juridiques et de montrer aussi comment le droit pourrait mieux justement apprécier cette richesse par l'outil juridique ?
Question : Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Ce que j'ai observé c'est qu'il y a il n’y a pas beaucoup, en droit public, de volonté d'avoir une vision transversale de la richesse. En fait, la richesse en droit public est examinée d'un point de vue fiscal par les juristes de droit fiscal, par les juristes qui sont plutôt spécialisés en droit de l'aide sociale et puis un peu par ceux qui font du service public. Mais il y a pas du tout de volonté d'avoir une réflexion globale, transversale, cohérente de la richesse des particuliers. Et donc c'est là que je me suis rendu compte que c'était nécessaire justement pour résoudre…, chercher à résoudre en tout cas, la question des inégalités économiques et sociales.
Quelles sont vos principales conclusions ?
Les principales conclusions de ma thèse c'est que la richesse ne présente pas d'homogénéité matérielle en droit public mais qu'en revanche elle répond à une unité fonctionnelle puisque la richesse est toujours utilisée en droit public pour la même fonction la fonction de redistribution sociale. Donc, ça c'est ma première partie où je démontre que le critère de la richesse existe bien en droit public. Dans ma deuxième partie j'apprécie de manière critique son utilisation en montrant que ce critère pourrait être mieux utilisé par le droit public.
Il y a plusieurs éléments dans ma thèse qui pourrait permettre de mieux apprécier la richesse des particuliers dans la construction des politiques publiques on pourrait parler par exemple de la question du couple qui n'est pas apprécié de la même manière en droit fiscal et en droit de l'aide sociale par exemple le fait d'être en concubinage va être pris en compte dans le cadre de l'imposition sur la fortune mais n'est pas pris en compte ni dans le cadre de l'imposition sur le revenu ni dans le cadre de l'attribution des aides sociales.
Qu’espérez-vous avec ce travail ?
Dans mon idéal les ma thèse servirait en fait à la construction des politiques publiques pour mieux prendre là où il y a à prendre et mieux redistribuer là où il faut redistribuer, de mieux apprécier la richesse pour construire les politiques publiques. Dans ce sens-là après c'est aussi une volonté politique.
Que représente ce prix de thèse ?
Le fait d'avoir le prix de thèse du Défenseur des droits ça représente pour moi le fait que mon sujet de thèse n'est pas un sujet de niche qui n'intéresse que des juristes, au contraire. Ca me réconforte dans l'idée que je me suis attaquée à un sujet de société et en fait qu'on a besoin d'avoir une réflexion je pense globale sur ce que c'est que la richesse des particuliers. Je suis très honoré de de cette récompense.

« Quand la race fait école : place et rôle de la race dans l’activité professionnelle des enseignants des territoires hyper-paupérisés »

Thèse de Sciences de l’éducation de Laura Foy, réalisée sous la direction de Nicolas Sembel, et soutenue le 24 mars 2023 à Aix-Marseille Université.

Cette thèse porte sur les processus de racialisation des publics dans les écoles du réseau d’éducation prioritaire renforcé de Marseille.

[Musique]
Titre : « Quand la race fait école : place et rôle de la race dans l’activité professionnelle des enseignants des territoires hyper-paupérisés », par Laura Foy (co-lauréate du prix de thèse du Défenseur des droits)
Question : Quels sont les principaux enjeux ?
De manière générale la question raciale fait l'objet d'un tabou assez généralisé en France et plus encore dans le champ scolaire et donc je ne m'attendais pas à ce qu’un travail portant sur cette thématique puisse faire l'objet d'une reconnaissance institutionnelle.
J'ai travaillé sur la manière dont la question raciale était incorporée intégrée à l'activité professionnelle des enseignantes dans les écoles du réseau d'éducation prioritaire renforcée de Marseille.
Ce que j'ai constaté quand j'ai commencé ma thèse c'est que la thématique raciale était omniprésente dans les écoles et qu’elle s'articulait à toute une série de pans de l'activité professionnelle, par exemple pour expliquer le désordre scolaire, pour expliquer les difficultés scolaires des élèves, pour expliquer les conflictualités enfantines, pour expliquer la relation des parents avec l'école… et qu'il y avait une sorte de corrélation entre racialisation des publics et difficultés professionnelles des enseignantes et des enseignants.
Et ce que j'ai pu constater en explorant ce sujet c'est que cette saillance de la norme raciale était d'autant plus forte que la difficulté professionnelle des enseignants et des enseignantes était importante. En fait, cette thématique raciale est mobilisée pour externaliser la difficulté professionnelle.
Question : Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
J'ai choisi ce sujet parce que j'étais moi-même enseignante, professeur des écoles en zone d’éducation prioritaire renforcée et j'avais besoin de réponses. Des réponses que je ne trouvais pas. Et la seule solution qui m'est venue a été de produire moi-même les réponses.
Quelles sont vos principales conclusions ?
J'ai fait une enquête qualitative et pour partie ethnographique sur un petit territoire. Je crois que malheureusement on ne peut pas se passer de statistiques dites ethniques. Cela permettrait de mettre en évidence les blocages, de mettre en évidence que certaines personnes, les personnes qui appartiennent au groupes minoritaires sont mécaniquement exclues des grandes écoles, des facultés, des universités les plus prestigieuses etc. Et donc, dans la foulée ça permettrait potentiellement aussi de mettre en place des actions positives, ce qu'on appelle la discrimination positive. Mais ce n’est pas de la discrimination en fait, c'est renverser l'injustice. C'est des actions positives pour permettre aux personnes qui étaient écartées de ces espaces d'y avoir enfin accès.
Ce que je vois dans mes résultats, ce n’est pas tant de l’espoir immédiat mais de l'espoir « si », de l'espoir « si on met en œuvre certaines démarches, certains processus » pour ce que j'appelle déracialiser l'école. Et ça je pense que ça passe fondamentalement par de la pédagogie. Déjà de la pédagogie faite aux enseignants et enseignantes et futur enseignants et enseignantes.
Qu’espérez-vous avec ce travail ?
Ce que j'espère avec ce prix c'est que ce prix constitue en fait une reconnaissance institutionnelle, non pas de mon travail mais de la réalité de la manière dont sont produites des inégalités dans et par l'espace scolaire et cette reconnaissance pour moi est une porte ouverte vers une lutte contre les injustices et les discriminations dont sont victimes les élèves.

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