Avis au Parlement

Avis sur la proposition de loi "visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents"

21 novembre 2024

  • Droits de l'enfant
  • Droits fondamentaux

Le 15 octobre 2024, la proposition de loi n°448 « visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents » a été déposée à l’Assemblée nationale par le député Gabriel ATTAL. La Défenseure des droits a été auditionnée le 21 novembre par le rapporteur à l’Assemblée nationale et a émis un avis sur la proposition de loi, comme le permet la loi organique.

Elle relève que le texte remet en cause certains principes fondamentaux et amènerait la France à rompre avec ses engagements internationaux et en particulier la Convention internationale des droits de l’enfant.

Dans son avis n°24-07, la Défenseure des droits constate que la proposition de loi n°448 a été déposée sans analyse préalable de l’impact des politiques pénales récentes et sans avoir associé les professionnels concernés (la police, la gendarmerie et la justice -magistrats, avocats, professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse…).

Par ailleurs, le texte proposé remet en cause certains principes fondamentaux de notre droit. 
Le cadre constitutionnel de la justice pénale des mineurs repose sur les principes généraux qui encadrent la matière pénale et sur un principe fondamental reconnu par les lois de la République spécifique de justice pénale des mineurs, résidant dans l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées.

À l’encontre de ce principe, la proposition de loi tend à rapprocher le traitement pénal des mineurs de celui des majeurs.

La Défenseure des droits rappelle la spécificité de la justice des mineurs et la priorité donnée aux mesures éducatives sont des principes fondamentaux du droit pénal des mineurs.

Dans son avis, la Défenseure des droits relève plusieurs dispositions problématiques :

Responsabilité des parents

L’avis souligne trois difficultés de la proposition de loi.

La Défenseure des droits considère d’abord qu’ajouter une circonstance aggravante au délit qui sanctionne le parent qui manque à ses obligations parentales tenant dans le fait que cela aurait directement conduit son enfant à commettre des infractions est contraire au  principe de responsabilité pénale personnelle. De plus, la législation actuelle comporte déjà des dispositions permettant de sanctionner de tels manquements de la part des parents, sans que leur mobilisation n’ait été évaluée.

Par ailleurs, la proposition d'infliger des amendes civiles aux parents absents lors des audiences en assistance éducative est perçue comme inefficace, car elle risque de compromettre l'adhésion et l'engagement réels des parents.

Enfin, la Défenseure des droits souligne que la proposition de loi ne répond pas aux difficultés structurelles existantes et   insiste sur la nécessité de renforcer ces ressources, qu’il s’agisse de l’Education nationale, du secteur de la santé et du médico-social, de la protection de l’enfance ou encore de la justice, notamment de la protection judiciaire de la jeunesse, seule à même de restaurer l'autorité de la justice.

Traitement pénal des mineurs

La proposition de loi pose ici aussi trois difficultés.

Premièrement, la proposition consistant à créer une procédure de comparution immédiate pour les mineurs va à l'encontre des principes fondamentaux de la justice des mineurs. La possibilité de juger immédiatement un mineur ne respecte pas les garanties procédurales dont il bénéficie du fait de sa minorité. Ces garanties ne sauraient être levées du seul fait que le mineur y consent.

Deuxièmement, le principe d'atténuation de responsabilité pour les mineurs de 16 à 18 ans est un principe à valeur constitutionnelle ;  y déroger serait en outre contraire  aux engagements internationaux de la France, notamment la Convention internationale des droits de l’enfant.

Enfin, l'idée que les mineurs délinquants sont de plus en plus jeunes et violents n'est pas étayée par des données fiables. La Défenseure des droits rappelle par ailleurs que le taux de réponse pénale à l’égard des mineurs est élevé, et que le nombre de mineurs écroués est en augmentation.

Au-delà des difficultés posées par les mesures qu’elle envisage, la proposition de loi ne contient aucune disposition relative à la prévention de la délinquance d’une part et à l’accompagnement de la parentalité d’autre part, lesquelles sont pourtant indispensables pour lutter efficacement contre la délinquance des mineurs.

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