Avis au Parlement

Avis sur le projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables

04 juin 2024

  • Droits fondamentaux
  • Logement

Le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables, a été présenté au Sénat le 6 mai 2024. Avant l’examen du texte en commission le 5 juin prochain, la Défenseure des droits rend un avis soulignant les risques d’atteintes aux droits que comporte ce texte.

En 2022, plus de 2,4 millions de ménages attendaient un logement social. Le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables ambitionne de répondre à la crise du logement, notamment dans le parc social, où la demande excède largement l'offre. 

Il propose trois types de mesures : 

  • renforcer le rôle des maires dans la politique de logement,
  • simplifier les procédures d’urbanisme pour faciliter la construction,
  • améliorer la mobilité dans le logement social.

L’avis n°24-06 de la Défenseure des droits met en évidence des risques d’atteintes aux droits fondamentaux et une fragilisation de l’offre de logement social au détriment des ménages les plus modestes.

La Défenseure des droits relève que la crise du logement touche les droits fondamentaux, comme le droit à des moyens convenables d’existence garanti par le préambule de la Constitution de 1946. Elle analyse notamment l’article 1er du projet qui pourrait réduire la production de logements sociaux en permettant aux communes de compter des logements intermédiaires pour atteindre une partie de leurs objectifs de logements sociaux. Cette mesure risque de désavantager les ménages les plus pauvres. Elle recommande donc le retrait de certaines dispositions du projet de loi qui fragiliseraient la protection de leurs droits, et propose de maintenir un accent sur la production de logements sociaux pour les plus démunis.

La fragilisation de l’offre de logement social pour les personnes précaires et une grande partie des classes moyennes

La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000 imposait aux communes un quota de logements sociaux avec deux objectifs : favoriser la construction de logements sociaux et assurer la mixité sociale. Un objectif triennal de rattrapage assorti de sanctions financières était fixé aux communes déficitaires et le législateur avait prévu qu’en 2025, l’ensemble des communes devrait avoir atteint le taux de 20 % ou 25 % de logements sociaux.

L’article 1er du projet de loi permettrait aux communes dont le taux de logement sociaux est à moins de dix points du taux cible d’échapper aux sanctions en intégrant les constructions de logement locatif intermédiaire dans leurs objectifs de rattrapage. Pour la Défenseure des droits, cette mesure pourrait réduire significativement la production de logements sociaux et augmenter la concurrence pour les logements disponibles en désavantageant les ménages les plus vulnérables. Plus largement, cette réduction de l’offre de logements sociaux mettrait en difficulté 70% de la population française qui est éligible au logement social.

De plus, l’article 7 du projet de loi permettrait aux bailleurs sociaux d'augmenter la part de logements intermédiaires dans leur parc de 10 % à 20 %. Cette mesure pourrait encourager les bailleurs à privilégier les logements intermédiaires au détriment des logements sociaux, réduisant encore davantage l’offre pour les ménages aux revenus les plus faibles.

Enfin, l'article 8, qui autorise l'augmentation des loyers lors de la remise en location, pourrait aussi contribuer à une hausse globale des loyers dans le parc social, réduisant l'accessibilité pour les ménages modestes.

Une mise en concurrence des publics prioritaires

La saturation du parc social crée une concurrence entre différents publics prioritaires. 

Lors de la construction de logements sociaux, un certain nombre de logements sont réservés pour que le préfet puisse les attribuer à des demandeurs prioritaires. L’État peut ainsi apporter une réponse rapide à des publics en difficulté.

Le projet de loi propose de transférer ce contingent préfectoral aux maires et à Action Logement Services. Pour la Défenseure des droits, ces dispositions risquent d'entraîner une priorisation biaisée, excluant certains demandeurs pourtant prioritaires, comme ceux relevant du droit au logement opposable (DALO).

De même, l’attribution d’un droit de veto aux maires pour les premières demandes d’attribution d’un logement social (article 2) et l’extension du bail mobilité au logement social (article 10) risquent d'accroître la difficulté d'accès au logement pour les ménages les plus vulnérables.

Les recommandations de la Défenseure des droits

Face à ces risques, la Défenseure des droits recommande le retrait des articles 1 et 7 du projet de loi. Elle propose de maintenir la part maximale de logements intermédiaires pouvant être construits et gérés par des bailleurs sociaux à 10 % pour éviter une réduction de la production de logements sociaux. Elle recommande également de préciser que seuls les logements participant à la mission dévolue aux logements locatifs sociaux soient pris en compte dans la mise en œuvre de la loi SRU.
En outre, elle suggère de retirer l’article 8, qui permet l'augmentation des loyers lors de la remise en location des logements, afin de protéger les ménages les plus modestes contre une hausse potentielle des loyers.

La Défenseure des droits insiste sur l'importance de garantir un accès aux logements sociaux aux publics les plus précaires. Elle rappelle que la politique du logement doit respecter les droits et libertés fondamentaux, y compris en garantissant l’accès à un logement décent à tous.

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