Le lanceur d’alerte – Une définition précise pour bénéficier d’un statut protecteur

25 septembre 2024

Lanceurs d'alerte

Le lanceur d’alerte est une personne qui se trouve confrontée à des informations qu’elle signale car elle les pense répréhensibles ou contraires à l’intérêt général. Elle s’engage dans une démarche de signalement auprès de son employeur ou d’une autorité administrative que la loi désigne. La loi prévoit que cette personne ne doit pas pouvoir être inquiétée pour avoir effectué une telle démarche. 
Le statut de lanceur d’alerte est une protection accordée par la loi mais il répond à une définition juridique précise qui diffère parfois de la définition que lui donne le langage courant.

Le Défenseur des Droits accompagne et protège les lanceurs d’alerte.

Définition du lanceur d’alerte

Qu’est-ce qu’une alerte ?

L’alerte consiste à signaler ou dévoiler certains faits, en les portant à la connaissance d’un employeur, d’une autorité administrative ou en les rendant publics.

Cette alerte peut intervenir dans le cadre d’une relation professionnelle, en tant que salarié, agent public, ancien salarié, ou actionnaire. Mais elle peut aussi avoir lieu en dehors de tout contexte professionnel : il est possible de lancer une alerte en tant que citoyen, usager d’un service public ou client.

Les faits susceptibles d’être signalés au titre d’une alerte peuvent concerner : 

  • Un crime : meurtre, viol...
  • Un délit : des faits de corruption, trafic d’influence, détournements de fonds publics ou privés, mise en danger de la vie d’autrui…
  • Une menace ou un préjudice pour l’intérêt général : par exemple, des agissements susceptibles de faire courir un danger ou une atteinte à la sécurité de la population dans le domaine de la santé ou de l’environnement…
  • Une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation de la loi, d’un règlement (décret ou arrêté), du droit de l’Union Européenne, d’un engagement international ratifié par la France...

Seules les informations qui présentent un caractère illicite ou portant atteinte à l’intérêt général peuvent faire l’objet d’un signalement. Des dysfonctionnements mineurs dans une entité publique ou privée ne suffisent pas à fonder une alerte.

Par ailleurs, le régime de l’alerte ne peut pas s’appliquer si les informations ou documents divulgués sont protégés par des lois ou des règlements relatifs :

  • Au secret de la défense nationale
  • Au secret médical
  • Au secret des délibérations judiciaires
  • Au secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaire
  • Au secret professionnel de l’avocat.

Un individu qui révèle ce type d’informations prend non seulement le risque de ne pas être protégé, mais aussi, dans certains cas, celui de commettre une infraction. 

Des conditions légales précises pour obtenir le statut de lanceur d’alerte

Un certain nombre de conditions doivent être remplies pour pouvoir bénéficier de la qualité de lanceur d’alerte au sens de la loi

Le lanceur d’alerte est un individu qui agit dans l’intérêt général

  • Il faut être une personne physique, et non pas une personne morale comme une entreprise ou une association ;
  • Le lanceur d’alerte ne doit tirer aucune contrepartie financière du signalement. Si une rémunération a été perçue pour effectuer le signalement, il n’est pas possible de bénéficier du statut de lanceur d’alerte ;
  • Si les informations signalées ont été obtenues en dehors d’un cadre professionnel, le lanceur d’alerte doit en avoir eu connaissance personnellement et directement, non par un tiers. Un individu qui se contente de relayer une information détenue par une autre personne ne pourra pas être reconnu comme un lanceur d’alerte ;
  • Le lanceur d’alerte doit être de bonne foi, c’est-à-dire avoir des motifs raisonnables de croire que les faits qu’il signale et les informations dont il dispose sont véridiques, et qu’ils sont bien susceptibles de faire l’objet d’une alerte.

La notion de bonne foi est importante. Si un individu a conscience que les faits qu’il dénonce sont faux ou qu’il agit avec une intention de nuire, il ne sera pas reconnu comme un lanceur d’alerte. La bonne foi, définie par la jurisprudence de la Cour de cassation (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 septembre 2016, 15-21.823) et du Conseil d’Etat (Conseil d’État, 8 décembre 2023, n° 435266), suppose de justifier de « la légitimité du but poursuivi, de l'absence d'animosité personnelle, de la prudence dans l'expression et de la fiabilité de l'enquête ». Ainsi la bonne foi ne requiert pas que les faits dénoncés soient par la suite établis, mais qu'ils aient été rapportés avec honnêteté et loyauté et hors de toute intention malveillante.

De même, le statut de lanceur d’alerte est conditionné au fait que la personne n’agisse pas dans son seul intérêt personnel. C’est pourquoi il est à différencier du statut de victime qui agit pour son propre compte et pour défendre ses propres intérêts. Les victimes ne se verront pas reconnaître la qualité de lanceur d’alerte et sont déjà protégées en tant que telles par des dispositifs spécifiques.

Le lanceur d’alerte signale les faits auprès des personnes compétentes. 

Pour être protégé en tant que lanceur d’alerte, certaines règles de procédures sont à suivre. Il existe notamment deux procédures de signalement inscrites dans la loi : une alerte peut être lancée soit en procédant à un signalement interne, soit par un signalement externe.

Le signalement interne consiste pour le lanceur d’alerte à s’adresser à une personne intégrée à la structure professionnelle à laquelle il appartient ou a appartenu. Pour cela il doit suivre la procédure interne de recueil et de traitement des signalements mis en place au sein de la structure. Si cette procédure n’existe pas, le lanceur d’alerte peut s’adresser à son supérieur hiérarchique direct ou indirect, à son employeur ou à un référent désigné par celui-ci. 

Le signalement externe consiste à porter l’alerte à la connaissance d’une des institutions désignées par le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022, en fonction du domaine concerné par l’alerte. En cas de difficulté à déterminer l’autorité compétente, le lanceur d’alerte peut saisir directement le Défenseur des droits qui l’orientera vers l’autorité la mieux à même de traiter l’alerte. Il est également possible de s’adresser à l’autorité judiciaire, dans le cas d’un crime ou d’un délit, ou de saisir une institution, un organe ou un organisme de l’Union européenne apte à recueillir ce genre de signalement. 

C’est au lanceur d’alerte de choisir la voie la plus appropriée à sa situation. Le signalement interne ne concerne que les alertes portant sur des informations obtenues dans un cadre professionnel. Cette voie de signalement n’est pas obligatoire et doit être envisagée seulement si le lanceur d’alerte est assuré que l’alerte sera traitée de manière confidentielle et impartiale au sein de la structure professionnelle à laquelle il appartient.

Il est tout à fait possible d’effectuer un signalement externe en plus d’un signalement interne.

Une divulgation publique, auprès de médias par exemple, n’est possible que dans les cas définis par la loi :

  • Après un signalement externe si l’autorité externe saisie n’a pas apporté de réponse appropriée dans les délais requis ; 
  • en cas de danger grave et imminent pour une alerte non liée au cadre professionnel ; 
  • en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général pour les alertes professionnelles;
  • Si le lanceur d’alerte risque des représailles en saisissant l’autorité externe ou si l’autorité ne permet pas de remédier efficacement à l’objet de l’alerte. 

Les cas énumérés par la loi sont limitatifs. En conséquence, la divulgation publique d’une alerte ne doit être faite qu’avec un grand discernement sous peine de perdre le bénéfice de toute protection.

Les mesures de protection des lanceurs d’alerte

Lancer une alerte est un droit, protégé par la loi. Toute forme de représailles est interdite à l’encontre des lanceurs d’alerte. Ces derniers sont ainsi protégés contre des mesures défavorables qui pourraient être prises à leur encontre afin de les intimider, comme une mesure de licenciement, une sanction, la perte d’une subvention, ou encore une action en justice pour diffamation ou atteinte à la réputation. 

La protection des lanceurs d’alerte a été renforcée par la loi du 21 mars 2022.

La loi protège et garantit une stricte confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte, ainsi que de la personne mise en cause par le signalement, que ce soit au moment de l’alerte et lorsqu’elle est prise en charge. 

Les protections offertes au lanceur d’alerte, lui permettent de se défendre ou de se prémunir contre d’éventuelles mesures de représailles en lien avec son signalement. D’après la loi :

  • Il est interdit d’obliger ou d’inciter le lanceur d’alerte à renoncer à ce statut.
  • Il est interdit de faire subir des représailles en lien avec l’alerte. Les auteurs de représailles s’exposent alors à des sanctions civiles ou pénales.
  • En cas de litige devant le juge (action contre une mesure de représailles), le lanceur d’alerte bénéficie d’un aménagement de la charge de la preuve qui lui est favorable : c’est à l’auteur de la mesure de justifier qu’elle est sans lien avec l’alerte. 
  • Le lanceur d’alerte est protégé contre certaines actions qui le mettraient en cause, grâce à une exonération de responsabilité civile ou pénale (on ne peut par exemple lui reprocher dans le cadre de son alerte d’avoir porté atteinte à un secret professionnel ou d’avoir nuit à la réputation de l’entité mise en cause).  
  • Le lanceur d’alerte peut bénéficier d’un soutien financier et/ou psychologique.
  • Le lanceur d’alerte peut bénéficier de mesures qui favorisent sa réinsertion professionnelle.

Les personnes qui aident le lanceur d’alerte dans sa démarche ou qui sont en lien avec lui, peuvent aussi bénéficier de mesures de protection.

L’accompagnement spécifique apporté par le Défenseur des droits

Le Défenseur des droits a la possibilité de certifier la qualité du lanceur d’alerte, afin de le conforter dans sa démarche et le prémunir d’éventuelles représailles. Il peut également accompagner le lanceur d’alerte pour mettre fin aux représailles qu’il subit. 

La certification de la qualité de lanceur d’alerte

La certification est un avis, dans lequel le Défenseur des droits prend position sur la qualité de lanceur d’alerte d’un individu. Cet avis indique pourquoi la personne réunit les conditions pour bénéficier d’une protection en qualité de lanceur d’alerte.

La certification n’est pas indispensable pour bénéficier du dispositif de protection auquel a droit un lanceur d’alerte.

Adressée au lanceur d’alerte exclusivement, la certification est un document qui lui permettra, le cas échéant, de faire valoir (devant un employeur, devant le juge) qu’il ne doit subir aucune représailles en lien avec son signalement. 

La demande de certification peut être adressée au Défenseur des droits seulement après avoir effectué le signalement. Il n’est pas nécessaire d’avoir subi des représailles pour demander une certification.

Les recommandations et observations pour mettre fin aux représailles 

Si le lanceur d’alerte est victime de représailles en lien avec son signalement, il peut saisir le Défenseur des droits pour demander une intervention qui lui permette d’y mettre fin ou d’obtenir réparation. Cette intervention prend principalement deux formes :

  • Le Défenseur des droits peut recommander à l’auteur des représailles de prendre des mesures pour rétablir le lanceur d’alerte dans ses droits (par exemple : le réintégrer, lui accorder une mesure de compensation financière…).
  • Le Défenseur des droits peut présenter des observations devant la juridiction saisie par le lanceur d’alerte pour contester des mesures de représailles (juge des prud’hommes saisi d’une mesure de licenciement, tribunal administratif saisi d’une mesure disciplinaire, etc.). Le Défenseur des droits intervient alors devant le juge en présentant son analyse du dossier.

Le rôle du Défenseur des droits dans la protection et la promotion des lanceurs d’alerte

Le Défenseur des droits accompagne les lanceurs d’alerte depuis 2016 (loi organique du 9 décembre 2016). Cette mission a été renforcée par la loi organique du 21 mars 2022

Ainsi les lanceurs d’alerte sont aidés dans leurs démarches par le Défenseur des droits qui veille, en outre, au respect de leurs droits et libertés.

Le Défenseur des droits accompagne les lanceurs d’alerte

  • En les informant sur leurs droits et obligations. Il répond à leur demande d’information sur les conditions et règles propres aux lanceurs d’alerte.
  • En orientant les lanceurs d’alerte dans leurs démarches de signalement, et notamment dans le choix de l’autorité ou de l’organisme à saisir, en fonction de la situation.
  • En certifiant l’individu en tant que lanceur d’alerte.
  • En cherchant à mettre fin aux représailles par voie de recommandations ou d’observations en justice

Le Défenseur des droits traite certaines alertes dans ses domaines de compétence

Le Défenseur des droits est l’autorité externe à saisir lorsque l’alerte porte sur les domaines qui relèvent de son champ de compétences. Il est ainsi chargé de traiter les alertes dans les quatre domaines suivants :

  • Droits et libertés des usagers dans le cadre des relations avec les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public.
  • Intérêt supérieur et droits de l’enfant. 
  • Discriminations.
  • Déontologie des personnes exerçant des activités de sécurité. 

Le Défenseur des droits œuvre à l’amélioration des droits des lanceurs d’alerte 

La protection des lanceurs d’alerte est un enjeu démocratique qui nécessite d’instaurer un dispositif encore plus protecteur. Aussi, le Défenseur des droits a émis une série de recommandations pour renforcer son rôle en matière de signalement et pour améliorer la protection des lanceurs d’alerte.

Depuis 2022, il est chargé de faire état, dans le cadre d’un rapport publié tous les deux ans, de la situation de la protection des lanceurs d’alerte en France. Pour la rédaction de ce document, il s’appuie sur son expérience ainsi que sur cette des autres autorités chargées du traitement des alertes externes. 

Les avis – en partis suivis - et le rapport bisannuel du Défenseur des droits recommandent : 

  • L’adoption d’une définition large de la notion de lanceur d’alerte (incluant notamment les personnes morales, ou encore englobant les informations touchant au secret de la Défense nationale)
  • De retenir une procédure simple et sécurisée de signalement ; 
  • D’assurer le traitement effectif des alertes, que ce soit au sein des organismes professionnels et des autorités désignées ; 
  • De garantir une protection effective du lanceur d’alerte et un accompagnement financier et psychologique à la hauteur des besoins ; 
  • L’implication des pouvoirs publics pour améliorer la connaissance des droits des lanceurs d’alerte et la valorisation de leur démarche. 

Témoignages

Et plus encore

Sur l’évolution du droit de l’alerte

  • Fiche réforme n°56 – Les lanceurs d’alerte
  • Avis 16-17 du 17 juin 2016 relatif au projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique : Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (articles 6A à 6G) et sur la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d'alerte
  • Avis 20-12 du 16 décembre 2020 relatif à la transposition en France de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union
  • Avis 21-16 du 29 octobre 2021 relatif à deux propositions de loi sur la protection des lanceurs d’alerte

Sur la diversité des alertes

Sur les alertes recevables

Le Défenseur des droits considère que les lanceurs d’alerte doivent être protégés même si leur alerte est antérieure à la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 : décision 2020-024 du 28 mai 2020